Tourisme exotique en terrain connu [complètement libre]

Appuyé contre le tronc d'un cerisier, je prends en photo un joli agencement floral admirablement mis en relief pas un étang d'une eau cristalline que nulle onde ne vient perturber. Comme quoi même lorsque le monde des hommes devient complètement fou, d’autres microcosmes parviennent à maintenir leur existence paisible.

Je décerne un sourire en coin respectueux à une jeune japonaise qui marche d’un pas rapide et raide, la tête basse. Elle se sent observée, relève les yeux jusqu’à l’encolure de ma veste, remarque que je fais 20 bons centimètres de plus qu’un japonais moyen et jette un coup d’œil à la sauvette à mon menton. Elle se détourne, puis revient furtivement examiner la nature de mon sourire. Elle n’y détecte ni malice, ni envie perverse, et y répond d’une propre contraction nerveuse des muscles de ses joues avant de reprendre l’examen du sentier qui s’étend devant ses pas. Comme un animal traqué qui se sait épié…

Il y a deux jours que je suis ici, et tous les gens que je croise sont ainsi. Ils ont peur, et pire que tout, ils ne parviennent pas à comprendre de quoi exactement. Quelle sordide idée, que de mener notre guerre aussi ouvertement. Je n’ose même pas imaginer l’impact de ce conflit sur la conscience collective japonaise…et encore moins sur celle du monde entier. Je me demande comment l’Organisation parviendra à calmer le jeu, lorsque nous aurons achevé d’éradiquer les vermines qui sont derrière cette aberration…

Mes louveteaux sont pratiquement tous dans la ville. Mes louveteaux… Depuis le début que je le nomme ainsi. Je ne saurais trouver de meilleur terme pour les décrire, cette meute de chasseurs presqu’aussi solidaires que solitaires. Cette sortie leur fera le plus grand bien. Depuis l’opération Lilith, le climat est pourri à l’os, et quoique je puisse tenter, rien ne parvient à rétablir l'harmonie…

Lilith…

Non, n’importe quoi, mais pas ça. J’arrête un passant pour lui demander, dans un japonais plus que parfait, où se trouve le torii le plus près. Je connais la réponse, bien entendu, mais je dois entendre parler pour me sortir de mes souvenirs. C’est là ma seule échappatoire : générer des souvenirs, où subir ceux qui y sont déjà... Je crois que l’inventeur de l’expression « cercle vicieux » mourrait de culpabilité s’il verrait avec quelle horreur sa création s’applique à mon existence…

October. Oui, October. Même elle a fait partie du voyage. J’ai tenté de la laisser aux commandes du WHS-L, mais elle n’a rien voulu entendre, comme d’habitude. Un jour, rien qu’une fois, je devrais tenter de lui proposer l’inverse de ce que je souhaite qu’elle fasse, juste pour voir si ainsi elle se comportera comme je le souhaiterais…

Je ne les ai pas encore croisés depuis mon arrivée. Quelques coups de téléphone échangés, sans plus. Il ya bien longtemps que j’ai appris à leur délier la laisse. Je sais qu’ils reviennent toujours lorsqu’ils ont besoin de moi, de toute façon. J’espère simplement qu’ils auront la sagesse de comprendre qu’il ne s’agit plus de Londres, mais de quelque chose d’infiniment plus intense…Et que s’ils oublient leur meute, ils sont tous perdus…

Je me rapproche du lieu de la récente tuerie. Le site est entouré de fleurs, déposées là à la mémoire des victimes, et de membres de leur famille éplorés vêtus de noir. Je prends quelques photos, ne pouvant m’empêcher de sourire cyniquement. Comme si j’avais besoin de prendre des photos sur un appareil numérique alors que j’en génère déjà quarante par seconde…

J’ai surtout besoin de donner l’apparence du touriste prisonnier. Avec l’arrivée d’Hunters, d’Inquisitors et de Witches d’un peu partout dans le monde, les étrangers sont vite suspects, ici. Autant aux yeux des locaux qu’entre nous…

Quelqu’un remarque qu’il se trouvait dans le cadre de ma dernière photographie, et après un moment d’hésitation, commence à s’avancer vers moi. J’abaisse lentement mon appareil et esquisse un sourire…

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Sena s’observa longuement dans le miroir, son visage lui renvoyait l’image d’une jeune femme aux traits angéliques et au sourire adorable. Qui s’imaginerait que derrière cet aspect enfantin se cachait une Hunter ? Sans doute personne … La demoiselle s’aspergea le visage d’eau, il ne fallait pas qu’elle recommence avec toutes ces questions et qu’elle replonge dans les doutes ! C’était derrière elle tout ça. La blondinette échangea sa petite robe de nuit contre une robe noire à fines bretelles légèrement décolletée. Elle avait une mission à accomplir à Tokyo mais pas aujourd’hui, en cette belle matinée la jeune femme allait se contenter d’observer et d’étudier sa cible. Sena jeta les dernières affaires qu’elle rangerait ce soir sur son lit et enfila un gilet blanc pour tenter de ne pas geler à l’extérieur. Dans les couloirs, les gens sortaient peu à peu et commençaient à s’éveiller. La Hunter jeta un regard dans le miroir, ses cheveux retombaient gracieusement sur ses épaules et elle adorait ça ! Sena aurait aimé rester là et ne pas avoir à faire sa corvée de la journée mais le travail l’appelait …

Lorsqu’elle passa devant l’employé, elle lui fit un grand sourire et lui dit de ne laisser entrer personne dans sa chambre. Il acquiesça d’un signe de tête et lui souhaita une agréable journée, s’il savait ce qu’elle allait en faire de ses prochaines vingt-quatre heures … Le pauvre homme changerait totalement d’opinion sur elle. Sena héla un taxi et se rendit dans l’un des quartiers les plus dynamiques de la ville. Le genre d’endroit où une demoiselle comme elle ne devrait pas traîner seule et dans l’obscurité ! Dans cette rue animée, les regards se tournaient peu à peu sur elle alors qu’elle traversait la foule. La Hunter arriva enfin à destination, une petite maison charmante dans laquelle vivait sa cible. Elle passa la porte et réalisa soudain dans quel genre de lieu elle venait de poser les pieds : Un charmant petit restaurant. L’odeur de riz et des spécialités locales se mélangeaient dans la pièce, Sena entendait des voix qui provenaient des cuisines et elle trouvait que cet endroit méritait une bonne réputation ! C’était tout à fait adorable.

« - Bonjour mademoiselle ! Puis-je vous proposer cette table ? »

Sena accepta d’un signe de tête, le vieil homme l’escorta jusqu’à une petite table prévue pour deux personnes et il la laissa seule, pour pouvoir faire son choix. La demoiselle ne jeta pas le moindre regard aux divers plats, elle préféra se lancer à la recherche de sa cible. Elle l’aperçut enfin ! Dans un coin de la pièce, un homme était assis en silence. Il semblait très occupé, le regard fixement posé sur son téléphone, il ne remarqua même pas Sena qui le dévisageait sans aucune discrétion. Le commerçant revint pour prendre la commande de la miss, elle opta pour le premier plat qui passa sous ses yeux tout en espérant sincèrement qu’il ne s’agisse pas de quelque chose de répugnant. Sa proie ne bougeait presque pas, concentré dans son œuvre. Le plat arriva rapidement et fut déposé par une jeune serveuse qui devait sans doute être la fille ou la petite-fille du vieil homme.

« - Bon appétit ! »

La blondinette s’attaqua au riz en avalant quelques grains avec délice, c’était succulent ! Elle aurait aimé pouvoir prendre son temps pour déguster tout ça mais le mystérieux individu commençait à s’agiter dangereusement. Sena ne devait pas le perdre de vue, elle préserva son calme et chercha dans son sac la fiche sur laquelle elle avait inscris toutes les données qu’elle possédait à propos de cet homme. Son regard balayait brièvement les lignes lorsqu’il se leva tout en rangeant son téléphone dans son attaché-case, il salua les commerçants et s’en alla. Sena lui lança vingt secondes avant de le poursuivre à l’extérieur, déposant l’argent sur le comptoir. Il tournait à droite et la belle blonde fit de même, scrutant sa haute silhouette qui se détachait avec difficulté de la foule. L’adorable demoiselle s’infiltrait entre les inconnus avec une facilité exemplaire, elle avait pris l’habitude de se mouvoir en groupe.

L’individu arriva face à un lieu impressionnant, des gens s’étaient regroupés pour honorer la mémoire de quelques défunts. Sena aurait été émue par cette scène touchante si elle n’était pas en mission et complètement absorbée par sa tâche. Sa cible vint se joindre au groupe et marmonna quelques paroles, elle était bien sûr trop loin pour entendre quoi que ce soit. S’il jouait la comédie, c’était un terriblement bon acteur ! La Hunter en vint à la conclusion qu’il était sincère dans ses actes et elle ressentit de la compassion pour cet être meurtri. Durant une seconde, elle hésita à accomplir ce qu’on lui avait ordonné de faire … Ses refus arrivaient par phase, parfois Sena avait envie de tout abandonner et de fuir loin. La blondinette fut stoppée dans ses rêveries par un inconnu qui eut la merveilleuse idée de prendre sa proie en photo.

*Non mais quel idiot celui-là !*

Sena détestait devoir réparer les erreurs des autres ! Sa nouvelle victime alla à la rencontre de son photographe pour échanger quelques mots, sans doute se rassurait-il sur la nature de la personne !? La belle blonde ne pouvait imaginer ce qu’était la vie des Witches … Sa cible fut à première vue rassurée, il ne devait pas s’agir d’un de ses agresseurs car il partit sans ajouter un mot. La jeune femme était trop excédée par l’attitude du photographe pour ne pas aller lui dire ce qu’elle pensait de son attitude, peut-être en ajouterait-elle un petit peu pour le faire encore plus culpabiliser ? Sena haussa les épaules et se dirigea d’un pas décidé vers sa silhouette qui lui devenait de plus en plus familière. Elle fronça les sourcils, comment reconnaître quelqu’un qui se cache derrière un énorme objectif ?

« - Vous savez vous de me faire perdre un de mes … »

Et l’éclair de génie foudroya Sena qui reconnut soudainement le corps d’Adel. Elle soupira intérieurement et se dis que de toutes les personnes qui vivaient sur cette Terre, il fallait absolument qu’elle tombe nez-à-nez avec lui ! La Hunter n’avait d’autre choix que de se montrer plus ou moins aimable, il s’agissait tout de même de son supérieur … Ce qu’elle pouvait détester les gens qui pouvaient se permettre de lui donner des ordres ! La demoiselle lui fit un grand sourire en guise d’introduction, comment reprendre la parole sans tomber à côté une seconde fois ? Sena ne savait pas trop … Elle était d’habitude très douée pour s’attirer la sympathie des gens, pourquoi pas avec Adel ?

« - Bonjour ! Je m’occupe de cet homme-là, celui qui se trouve sur la photo ! Je crois que ça m’aiderait beaucoup si je pouvais avoir un portrait de lui … Je peux me permettre ? »

Elle désigna du doigt son appareil électronique, Sena bénéficierait d’un petit avantage si elle avait une photo récente de sa cible ! La Hunter élargit son sourire, elle avait l’impression de retourner des années dans le passé à l’époque où les gens perdaient encore leur temps à faire la révérence à tous leurs supérieurs … La demoiselle ne voyait déjà plus la silhouette qu’elle recherchait, tant pis ! Tokyo était une grande ville mais elle était assez douée pour retrouver un Witch en liberté.

Il s’agissait d’un grand homme sombre, au teint pâle et aux cheveux noirs, visiblement européen. D’abord hésitant à se diriger vers moi, il le fait maintenant d’une démarche rapide et assurée. Ses yeux bleus ne se détachent pas des miens une seule seconde, sans que je puisse y percevoir le moindre signe de sympathie. L’espace d’un instant, je me demande s’il ne tentera pas de me briser le nez en guise de présentation.

Il s’arrête brusquement devant moi, assez près pour que sa voix murmurante n’atteigne que mes oreilles. Ayant visiblement, et très perspicacement, compris que je n’étais pas japonais, il m’aborde d’un anglais approximatif d’un très délicat :

« Qu’est-ce que vous me voulez ? »

Je calme la vingtaine de réponse loufoque qui me viennent en tête, en me disant qu’un jour, rien qu’un, j’allais me faire plaisir. En attendant, je me contente de lui répondre, dans un suédois aussi irréprochable que mon japonais :

« Vous êtes en danger, M. Jonsson. Nous pouvons vous aider…si vous passez son test. »

Je lui tends une carte d’affaire d’un salon de massage d’un quartier populaire situé en périphérie des zones d’affrontements classiques, où apparait son nom de baptême ainsi qu’une heure de rendez-vous, plus tard dans la journée. Sur le même ton mystérieux, je poursuis :

« Soyez prudent d’ici là, M. Jonsson. »

Puis, je le fixe, imperturbable, jusqu’à ce qu’il hoche la tête et ne s’éloigne en jetant de furtifs regards autour de lui. Il demeure aussi inexpressif que moi, et je ne parviens pas à déterminer s’il mord ou non à l’hameçon.

Axel Jonsson. Une des witches les plus notoires d’Uppsala. Un peu avant d’atterrir sur Tokyo, l’Organisation m’a prévenu qu’il avait quitté sa Suède natale pour la première fois de sa vie et s’était procuré un billet pour le Japon. Curieux… Lorsqu’Opale m’a fait part de sa liste de suspects présumés pour l’attentat du parc et que j’y ai vu son nom, j’en ai rapidement fait ma priorité. De toute façon, même s’il n’a rien à voir avec cet événement particulier, il mérite amplement de manger les pissenlits par la racine pour ce qu’il a fait aux étudiants de l’école primaire de Knivsta…

Une voix flûtée et familière me tire de l’horrible scène où je me suis plongé.

« - Vous savez vous de me faire perdre un de mes … »

Wilhelm! La diablesse était bougrement efficace, comme toujours. À chaque fois, son image angélique me laissait pantois. Derrière ces traits si fins et le halo d’or qui les encadrait se cachait une détermination et une fougue qui faisait d’elle l’une des plus redoutables Hunters du groupe. Et encore une fois, elle venait de se prouver à la hauteur de la haute estime que je lui porte.

Curieusement, même si je sais pouvoir m’y fier sans aucune crainte, je ne la connais personnellement que très peu. Bien entendu, comme pour chacun de mes louveteaux, j’ai lu tout ce qui se rattachait à son dossier. Cependant, j’ai eu très peu d’occasions de la fréquenter hors d’un contexte officiel. J’ai toujours eu l’impression qu’elle ne voyait en moi qu’un supérieur, ce que j’ai toujours respecté. D’ailleurs, il m’arrive souvent de me demander si je n’aurais pas dû suivre cette ligne directrice avec tout le monde…

Encore aujourd’hui, et malgré le contexte pour le moins pesant, elle semblait d’une humeur radieuse, sourire aux lèvres et enthousiasme à revendre. Contaminé par la bonne humeur qu’elle propageait, je lui répondis sur un ton enjoué.

« Il n’y a rien de gratuit en ce bas monde : je te l’échange contre une photo. Allez, une pose pour la couverture du Vanity Fair »

Je me reculai de deux pas, lui laissant le temps d’adopter spontanément l’expression qu’elle souhaitait, avant de prendre une rapide succession de clichés.

« Tu me le dirais si tu te préparais à nous quitter pour te lancer dans une carrière de mannequin, n’est-ce pas? » , lui dis-je avec un sourire complice.

Je repris ensuite mon sérieux, sans toutefois me départir de mon sourire, avant de poursuivre vers l’aspect professionnel. Comme lors de chaque moment où je me retrouvais à interagir avec elle.

« C’est un réel plaisir que de vous croiser ainsi, mademoiselle Wilhelm! Comment allez-vous, et comment trouvez-vous Tokyo? »

Cette fois-ci, cependant, les événements seront différents. Le contexte se prêtait effectivement à merveille à ce que je me permettre de passer du temps en sa compagnie : cible majeure, milieu hostile et climat tendu au sein de l’équipe. Autant en profiter.

« Tu tombes à pic, Sena. Je m’apprêtais à t’appeler pour te mentionner que tu as un rendez-vous de dernière minute, aujourd’hui à 18h. »

Je lui laissai un moment pour assimiler l’information.

« Ça nous laisse donc trois heures à tuer, soit beaucoup plus qu’il nous en faut pour aller imprimer la photo. Si jamais tu n’as pas d’autres projets, que dirais-tu d’allez faire des courses? J’ai besoin d’une arme. Et toi, d’un kimono… »

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Sena ne connaissait décidément vraiment pas cet homme ! Jamais elle n’aurait pu imaginer qu’il aurait une telle réaction … À vrai dire, ça la soulageait grandement. Savoir que derrière le marionnettiste se cachait un être humain avec un cœur et des sentiments soulageait la demoiselle. Son ton enjoué la fit sourire, il ressemblait presque à un petit garçon avec cet air insouciant sur le visage. Qui aurait deviné que derrière ces apparences se cachait une des personnes les plus cruelles ? C’était sans doute la seule chose qui empêchait Sena de se libérer et de se laisser aller en sa compagnie. Ce n’était pas uniquement le fait qu’il soit son supérieur mais c’était aussi lui qui jugeait de l’avenir des victimes. La blondinette se demandait ce qui pouvait passer dans l’esprit des condamnés lorsqu’il croisait une personne comme lui lors de leurs dernières heures … Ils devaient être étonnés de voir que leur bourreau semblait si innocent ! La Hunter n’était pas bien placée pour penser ce genre de chose, avec son corps de poupée de porcelaine et son sourire angélique, elle était dans le même cas qu’Adel.

Les premiers mots de l’homme la firent froncer les sourcils, gratuits ? Mais c’était pour lui qu’elle faisait ça ! Heureusement ce n’était rien de bien sérieux, au contraire c’était un jeu … Sena eut du mal à réaliser ce que son supérieur lui demandait de faire mais si c’était sa façon de lui dire qu’elle pouvait prendre quelques libertés vis-à-vis de lui aujourd’hui, elle ne dirait pas non ! La belle blonde aurait aimé être mannequin … C’était cependant un monde dans lequel elle se serait vite perdue, sans doute trop effacée pour y survivre. Sena ne pouvait s’empêcher de trouver la situation hilarante, elle posait pour son chef ! Elle décida cela dit de jouer le jeu. La jeune femme posa une main sur la hanche, tourna sur elle-même et secoua sa longue chevelure blonde tout en éclatant d’un grand rire. Elle aurait été gênée en temps normal mais le compliment que lui fit Adel la mit en confiance. Peut-être avait-il besoin professionnellement de ses photos ? Sena n’en savait rien et elle s’en fichait complètement !

Et soudain … Le caractère habituel de l’homme reprit possession de son corps. Sena eut l’impression de passer de l’eau chaude à l’eau froide en une seconde. Son sourire s’effaça instantanément, le passage du tutoiement au vouvoiement la désarçonnait. La Hunter comprit qu’ils allaient parler travail et que le temps des amusements était révolu, tant pis ! Cette séance de photo éphémère fut amusante et enrichissante pour la miss. La blondinette ne répondit pas tout de suite à sa question, elle médita sur sa réponse quelques secondes … Adel savait parfaitement qu’elle n’était pas là pour visiter ou se délecter des paysages ! Sena n’avait fais que traquer, manger et dormir durant ces derniers jours. Mais elle était déjà venue à Tokyo pour des missions moins éprouvantes et la ville était impressionnante !

« - Tokyo est une ville merveilleuse mais très dangereuse … »

Sena ignorait s’il comprendrait le sous-entendu qu’elle laissait filtrer. Adel se rendait rarement sur le terrain, il se servait de ses Hunters pour lui ramener les cibles et lui, il restait bien au chaud et en sécurité dans son bureau. C’était l’ordre des choses … La belle blonde ne comprenait pas ce qu’un homme comme lui avec de telles occupations faisait en ce moment même dans une des villes les plus fréquentées par les Witches ! Sena secoua lentement la tête de gauche à droite sans ajouter un mot, il était inutile d’y réfléchir davantage, Adel était certainement venu ici pour prendre des « vacances » et profiter d’un peu de temps libre. La Hunter décida de ne pas le déranger plus longtemps avec ses histoires de travail et elle s’apprêtait à prendre congé de lui lorsqu’il reprit la parole, repassant du vouvoiement au tutoiement en un éclair.

« - Rendez-vous ? »

La demoiselle ne remettrait pas ses dires en cause mais … Personne ne lui avait dis qu’elle avait le moindre rendez-vous avec qui que ce soit ! Sena réalisa soudain qu’Adel avait certainement trouvé le moyen d’attirer le Witch dans un piège. Elle aurait aimé lui sourire pour le remercier mais elle était encore trop préoccupée par la façon dont elle devait réagir face à lui. Tous ces changements si soudains d’attitudes la déstabilisaient complètement. La Hunter décida de ne rien dire c’était encore ce qu’il y avait de plus simple à faire mais l’homme enchaîna avec de nouvelles paroles aussi mystérieuses et troublantes que les précédentes … Sena ouvrit de grands yeux. Adel lui proposait de passer ces trois prochaines heures en sa compagnie ? Et pourquoi avait-il besoin d’une arme ainsi que d’un kimono ?

« - Non je n’ai plus d’autres projets désormais … Mais je ne refuserais pas une explication ! »

Tout d’abord, pourquoi devrait-elle porter un kimono ? Sena n’aimait pas cette tenue … C’était beau sur les Japonaises ou les Chinoises mais certainement pas sur elle ! La blondinette n’avait pas l’habitude de se vêtir de la sorte et pourquoi Adel désirait-il une arme ? La Hunter en possédait une et elle pouvait la lui prêter si c’était ce qu’il désirait. Sena se montrait généralement beaucoup plus patiente et enthousiaste que ça mais lorsqu’il s’agissait de passer trois heures avec son supérieur, les choses changeaient du tout au tout ! On n’agit pas avec son chef comme on agit avec ses collègues c’est tout simplement logique. La demoiselle leva les yeux au ciel et afficha un petit sourire de toute façon, il était hors de question de refuser une si charmante invitation ! Sena ne refusait que très rarement une occasion de s’amuser ou d’en découvrir plus à propos de certains sujets … Elle ne dirait pas non à un petit tête-à-tête avec Adel ! Se serait l’occasion d’en apprendre plus sur lui et de découvrir l’être qui se cachait derrière le bourreau des Witches.

« - Puisque tout est déjà planifié ! Je serais ravie de t’accompagner ! »

Elle avait opté pour le tutoiement, après tout il ne devait pas être beaucoup plus vieux qu’elle ! Et même s’il s’agissait de son supérieur, Sena n’avait vraiment pas l’impression qu’il voulait instaurer ce genre d’ambiance aujourd’hui … Si demain il préférait qu’elle le vouvoie, elle obéirait. La blondinette s’arma de son sourire et tourna lentement sur ses talons pour suivre Adel, une nouvelle petite balade dans Tokyo en perspective !

[*Je suis vraiment désolé, j’ai voulu expérimenté avec la première personne, mais je dois avouer que c’est loin d’être à la hauteur de mes attentes… Si tu n’y vois pas d’objections, je vais revenir avec un style qui m’est plus naturel :) *]

Comme il l’avait escompté, Sena se laissa entraîner de bon cœur dans son petit moment de folie photographique, y allant même d’un éclat de rire sincère et rafraichissant face à l’archétype exagéré de sa propre posture. En un instant, Adel put comprendre les rumeurs de femme fatale qui circulait autour d’elle : sublime, craquante, et adorablement naturelle. Coktail qui monte bien vite à la tête.

Il remarqua également, une fois de plus, le malaise de la plus blonde, sans aucune connotation négative, des Hunters, au fil de la conversation réduite. Elle ne savait aucunement sur quel pied danser et semblait toujours à la recherche d’un point d’équilibre pour se stabiliser.

Comme à chaque fois que je discute avec qui que ce soit…, songea Adel, réprimant difficilement un soupir qui n’aurait de toute façon qu’accentué l’inconfort de sa collègue. Peut-être un jour comprendrait-il ce qui clochait, chez lui, pour l’empêcher d’interagir normalement avec autrui… Ou plutôt, peut-être un jour admettrait-il qu’il n’était pas comme eux, et qu’il n’avait rien à gagner à tenter de leur ressembler à tout prix. Après tout, il s’était rendu jusqu’ici par ses propres moyens, il pouvait bien continuer de jouer le « poor lonesome cowboy » pour quelques années de plus…

Il chassa ces sombres pensées récurrentes de son esprit. Il faisait relativement bon, compte tenu de la saison, l’ambiance était tranquille, compte tenu de la situation critique de Tokyo, et apparemment, il bénéficiait de trois heures à partager avec l’un de ses subalternes les plus prisée pour sa bonne compagnie. Il y avait pire, comme scénario. D’autant plus qu’elle ne semblait pas avoir accepté par pure soumission envers son statut, ce pourquoi il la remerciait intérieurement.

Il ne lui accorda pas le privilège de ses explications pour autant… D’abord, ce n’était pas son style, comme il s’apprêtait à lui faire part. Mais surtout, ses explications n’allaient en aucun cas plaire à sa compagne du moment, ni avoir quelque conséquences bénéfiques que ce soit.

Il traînait bien entendu son H33 ainsi que son K22 sur lui, comme à l’accoutumée. Cependant, il réalisait en toute lucidité que la situation présente le dépassait complètement, et qu’il devait être prêt à faire face à tout. Pour ce qu’il en savait, peut-être que les Witches recrutaient ou contrôlaient des humains, et que les armes de l’Organisation seraient sans effet sur eux. Peut-être avaient-ils découverts un blindage contre les H&K, comme le WHS les appelait. Ou peut-être, tout simplement, tomberait-il par le pus grand des hasards sur un groupe de yakuzas rendus téméraires par le surmenage complet des forces de l’ordre japonaises. Il connaissait cependant l’aversion de Sena pour la violence, et ne voulait pas la perturber davantage avec les craintes qu’il nourrissait.

Quant au kimono, elle refuserait vraisemblablement sur le champ de le suivre, ou déciderait tout bonnement de le cogner sur place, si elle savait ce qu’il avait derrière la tête…

Il poursuivit donc dans la même voie d’évitement énigmatique qu’il empruntait si aisément.

« Accepterais-tu une glace, à la place? Les explications sont à la vie ce qu’un résumé concis du dénouement est à une pièce de théâtre : à partir du moment où tu as choisi de la vivre, ils ne font que t’empêcher de t’en imprégner et de la savourer pleinement. »

La blonde à ses talons, il s’arrêta à un kiosque tout près qu’il avait remarqué au préalable, et commanda deux portions du parfum favori de Sena, qu’il se rappelait d’une remarque formulée il y avait 433 jours, dans le rapport de sa mission à Berlin. Il lui tendit sa coupe avec un sourire sincère, avant de reprendre la marche en direction d’une artère principale, à quelques kilomètres du parc.

Entre deux bouchées, il lui posa quelques questions anodines sur son opinion du Japon en général, et de Tokyo en particulier, sur le quartier où elle habitait et si elle avait eu la chance d’assister à une partie de go mené par de vénérables anciens et leur fan club ?

« Ça me fascine à chaque fois, de voir les jeunes, les moins jeunes et les pas encore assez vieux former une troupe dense autour de deux vieux joueurs qu’on pourrait presque croire séniles, mais qui sont pourtant encore de véritables machines. »

Il parlait peu de ses expériences, personnelles ou acquises par le biais d’autrui. Depuis le temps, il avait appris à ne pas monopoliser la conversation. Il aurait pu réciter soixante heures de poésie traditionnelle, raconter l’histoire de la moitié des rues de Tokyo ou encore détailler toute l’actualité de la dernière année la concernant. Mais à quoi bon, si ce n’est qu’à démontrer le caractère monstrueux qu’il se savait posséder ?

Il n’osait pas encore l’entraîner sur des sujets plus personnels. Cependant, il répondit allègrement aux questions de Sena.

***

Il les guida à l’intérieur d’une boutique d’instruments électroniques exiguë, perdu au milieu d’une foule de ses semblables. Il se faufila jusqu’au comptoir principal, ou un vieux japonais l’accueillit avec force expression de joie. Adel échangea quelques civilités d’usages avec lui, dans un japonais parfait, avant de finalement lui tendre la carte mémoire de son appareil photo. Tandis que le propriétaire se retirait dans l’arrière boutique, les yeux tellement plissés par son sourire qu’ils semblaient fermés, Adel se retourna vers Sena, un sourire d’excuse aux lèvres.

« J’ai connu sa nièce lors d’un passage à Osaka, il y seize mois, et je l’ai aidé à se trouver un poste dans une firme britannique. Depuis, je suis un peu devenu l’ami de toute la famille, alors je me suis dit que j’allais profiter de l’occasion de lui payer une petite visite. »

Trois minutes plus tard, l’homme revenait avec une pile de photos grand format, développées en double. Il refusa toute forme de paiement et les invita, Adel et sa conjointe, à venir prendre le thé chez lui avant de rentrer en Grande-Bretagne. Un très subtil malaise gagna le britannique, et alors qu’il esquissait un sourire gêné en posant un regard rapide sur Sena, ses joues semblèrent se teinter légèrement, et une oreille fine aurait pu percevoir une légère hésitation dans son japonais, lorsqu’il répondit :

« Il y a méprise, vieil ami, il ne s’agit que d’une collègue et une connaissance, rien de plus. Mais si mon horaire le permet, vous pouvez compter sur ma présence! »

Ils se quittèrent sous une pluie d’ « arigato! », mais pas sans que le vieil homme n’ait été présenté a Sena, et qu’il l’ait complimentée sur la perfection de son teint et l’éclat de la chevelure. Et lui avoir murmuré à l’oreille qu’elle avait eu de la chance de tomber sur un homme tel qu’Adel, ce qui lui valu des réprimandes de la part du principal intéressé.

Ils quittèrent la boutique, et Adel les guida vers un banc libre, non loin, avant de poursuivre vers la prochaine étape. Là, il ouvrit l’enveloppe contenant les photos, et tendit les deux d’Axel Jonsson à Sena, avant de se mettre à regarder, plus par principe qu’autre chose, les prises de la jeune femme.

« Elles sont excellentes : tu as l’air magnifiquement bien ta peau, là-dessus. »

En l’occurrence, il faisait référence à une photo de profil prenant sur le vif une Sena en plein éclat de rire, les yeux clos, devant un arbre majestueux tout juste en train de commencer à perdre ses feuilles. Photo dont il lui tendit le double. Puis, avec un sourire moqueur, il ajouta :

« Je suis convaincu qu’Arès serait prêt à faire cette mission en Sibérie, sans même emporter de manteau!, en échange de ces photos! »

[J’espère que je ne te restreins pas trop… Sache qu’il ne s’agit absolument pas d’un cadre robuste, hein, tu peux l’étirer à ta convenance! Et si tu me trouves trop directif, fais-moi signe!!!]

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Le côté mystérieux d’Adel avait son charme et en temps normal, Sena aurait adoré ça ! Mais pas avec lui … La blondinette ne pouvait jamais être sûre de ce que l’homme lui réservait. Heureusement, elle travaillait avec lui depuis assez longtemps pour savoir que jamais il ne dépasserait les limites. C’était une personne droite et respectable, la Hunter ne craignait rien de ce côté-là. Elle appréciait la façon dont il esquivait sa question. Il utilisait de bien jolis mots pour faire oublier à la demoiselle qu’elle marchait dans une brume épaisse ! Mais lorsqu’il s’agissait de glace, Sena ne pouvait définitivement pas refuser. Elle répondit à sa demande par un large sourire et acquiesça d’un signe de tête. La belle blonde s’octroya le droit de poser quelques questions rapides à Adel, c’était sa technique pour en apprendre plus sur son chef en toute discrétion. Il ne devait même pas se douter qu’elle l’analysait en silence au moment où il marchait devant elle ! La jeune femme hocha la tête et le rattrapa pour être à sa hauteur.

Ils marchèrent quelques minutes et arrivèrent assez vite dans une boutique originale. Sena ne parvint à s’empêcher d’observer distraitement les lieux tout en suivant attentivement Adel qui se faufilait parmi la foule. La demoiselle découvrit un nouveau talent à son chef, il parlait parfaitement bien le Japonais ! Devait-elle en être surprise ? Sena suivit leur conversation. Elle était certainement moins douée que lui dans cette langue mais pour une étrangère, elle se débrouillait à la perfection ! La Hunter fut de nouveau surprise par l’attitude d’Adel … C’était l’une des premières fois qu’il lui ouvrait si librement l’accès à sa vie privée. Sena ne parvint à empêcher un petit sourire s’esquisser sur ses lèvres, durant une seconde elle tenta d’imaginer son chef main dans la main avec une Japonaise. Cette réflexion la fit rire et elle souleva un sourcil tout en lançant un regard amusé à son interlocuteur, elle allait sans doute en apprendre plus que jamais à son sujet !

Sena n’eut pas le temps de réagir face à cette révélation, le commerçant revenait déjà avec une pile de photo. La blondinette scruta les deux hommes lorsqu’ils entamèrent une négociation sur le prix, l’un désirant payer et l’autre désirant offrir. Elle retint un rire lorsqu’elle entendit l’adjectif qu’employa l’inconnu pour la qualifier. Le regard que lui lança Adel la fit sourire, il était adorable lorsqu’il était gêné … Après une telle réflexion, Sena réalisa que c’était la toute première fois qu’elle émettait un tel jugement sur son supérieur ! Généralement, elle allait le voir pour lui remettre des dossiers ou des victimes, elle ne le voyait pas au quotidien. La jeune femme fut déçue d’entendre Adel refuser l’invitation si charmante de cet homme décidément très aimable. Elle lui lança un regard de reproche, n’était-ce pas légèrement déplacé de rejeter une aussi adorable attention ?

Les présentations furent brèves mais enrichissantes, la demoiselle eut l’occasion de prouver que de son côté aussi, elle maîtrisait le Japonais ! Ses nombreux voyages dans le pays lui avaient permis d’en apprendre davantage à propos de cette langue. Les compliments qu’elle reçut la firent rougir et elle remercia le bien gentil commerçant pour toutes les flatteries qu’il lui fit. La remarque qu’il lui souffla à l’oreille la fit sourire, alors qu’Adel réprimandait le pauvre Monsieur, Sena joua le jeu et lui affirma qu’il était un parfait gentleman. Ils quittèrent les lieux et la belle blonde fut heureuse de voir que son chef n’était pas si tyrannique que ça ! Il les guida vers un banc libre et l’espace d’une seconde, la miss eut envie de s’y asseoir et de questionner Adel sur sa vie … En savoir plus sur son travail à lui, tout ça était si mystérieux et si attirant ! Ne pas savoir ce que son supérieur faisait de ses journées intriguait Sena.

« - J’ai eu droit au meilleur des photographes ! »

Elle lui fit un sourire et observa la photo qu’il lui avait tendue, Sena eut l’impression de voir une autre personne … Elle semblait heureuse et pleine de vie, ça ne lui ressemblait tellement pas ! La Hunter était satisfaite de son image, si seulement elle l’était plus souvent ! Le commentaire que fit Adel ne passa pas inaperçu, la réputation de ce pauvre Arès le précédait chez les Hunters. Sena ne le connaissait pas personnellement mais tout le monde savait que c’était un briseur de cœur … Derrière la moquerie se cachait un charmant compliment pour elle ! La blondinette se tourna vers son interlocuteur et posa les mains sur les hanches avec un air faussement mécontent sur le visage, elle ajouta :

« - Je croyais poser pour la couverture du Vanity Fair ! »

Sena éclata d’un rire léger qui la libéra d’une certaine pression qui pesait sur ses épaules. Adel était parvenu à la faire oublier sa mission, durant quelques minutes la Hunter avait laissé place à la jeune femme tout à fait banale. La demoiselle proposa à son chef de prendre place sur le banc, elle avait quelques questions ainsi qu’une constatation à émettre ! La blondinette ne parvenait toujours pas à réaliser qu’il s’agissait du bourreau de tous les Witches, cet homme presque parfait face à elle était une arme de destruction massive ! Qui l’eut cru ? Sena s’installa et inspira profondément, comme si elle s’apprêtait à plonger dans un énorme bassin remplit de milliers de piranhas. La comparaison n’était pas très sympathique mais tout de même … Elle se lança !

« - J’imagine que ça ne doit pas être simple tous les jours d’occuper ta fonction ! C’est étrange de te croiser par ici … Je te vois si rarement sur le terrain ! »

Ce n’était qu’une constatation, Sena n’aurait vraiment pas prévu de le croiser lui dans Tokyo ! Généralement, ils discutaient rapidement par communication téléphonique, il lui expliquait en quelques mots sa mission et elle acceptait. La conversation s’arrêtait là. Elle bénéficiait aujourd’hui d’une tout autre vision de sa personne ! Cette facette d’Adel plaisait énormément plus à la Hunter … C’était tellement mieux de savoir qu’il avait un cœur. Elle hésita à poser sa question, il prendrait peut-être mal sa demande !? Devait-elle prendre un risque ou au contraire briserait-elle la belle ambiance qu’ils avaient instaurée entre eux ? Sena décida de tenter le coup et tant pis si elle fâchait le chef, elle attraperait la cible et ferait preuve de beaucoup de talent. Il oublierait deux jours plus tard !

« - C’est dur de prendre toutes les décisions ? Je ne sais pas si je pourrais le faire … Ce sont de grandes responsabilités ! J’avoue que tu viens de révolutionner l’image que je me faisais de toi ! Je suis ravie d’être tombée nez-à-nez avec toi ! »

Elle ne disait pas ça pour lui faire plaisir ou pour le flatter, elle était sincère ! Cela dit, même s’il se révélait être l’homme parfait … Sena ne pourrait sans doute jamais oublier qui se cachait derrière ce sourire craquant et cet air enfantin ! Cela dit il se montrait si adorable avec elle que la Hunter décida de passer outre son statut de marionnettiste et de lui laisser une chance d’atteindre son petit cœur. Elle ne s’attendait pas à faire d’Adel son meilleur ami mais peut-être parviendraient-ils à en apprendre davantage l’un sur l’autre ? Sena n’oubliait pas sa mission, mission dans laquelle elle allait à première vue être épaulée par son chef. Elle constata qu’elle avait oublié de le remercier pour son aide, il lui avait arrangé les choses avec Axel ! La blondinette se tourna vers son interlocuteur et lui lança d’un ton réjoui :

« - Merci pour ton aide avec Axel ! Il est bien plus dur à coincer qu’on ne pourrait le croire … »

Un nouveau sourire angélique prit place sur ses lèvres.

[ Mais non ton poste était parfait et je me suis bien amusée en le lisant ! J'espère que le mien te plaira aussi, j'avoue Sena n'est pas très bavarde ( pour une fois ! ) ]

La jeune femme se montra fort bien disposée à cette innocente balade dans Tokyo, faisait preuve d’un enthousiasme sincère et d’une joie manifeste. Il regrettait que son estimation de la proche conception qu’elle pouvait bien avoir de lui l’ait empêché d’apprendre à mieux connaître Sena dans les dernières années, et qu’il ne prenne le temps qu’aujourd’hui, dans un contexte plus que tendu. Cependant, il retrouvait la même impression qu’à chaque fois qu’il déambulait sans but avec ses collègues : comment, mais surtout pourquoi, de tels jeunes gens si pleins de vie et qui n’aspiraient qu’à couler des jours heureux se retrouvaient-ils pris dans cette spirale de violence et de mort qui les engloutissait qui constituait leur quotidien ?

Il nota la facilité avec laquelle elle se laissa charmer par les manières attendrissantes de son vieil « ami »et entra dans son petit jeu, adoptant même un air gêné face à ses compliments désarmants. Elle poussa le jeu jusqu’à lui décerner un regard de reproche lorsqu’Adel n’accepta pas directement l’invitation à aller prendre le thé!

Elle paraissait sincèrement heureuse, en cet instant près du banc, et son rire cristallin coula en lui comme une cascade rafraîchissante, apaisant la tension qui ne le quittait que rarement. Au moins, pensait-il, peu importe le déroulement de la suite de la journée, il aurait rempli son rôle de leader en lui permettant de passer un bon moment.

*Non, pas mon rôle de leader…mon rôle d’humain…*, se corrigea-t-il.

« L’un n’empêche pas l’autre! Si je peux escroquer Arès pour le faire se bouger un peu avant que la prochaine édition du Vanity ne soit sur les tablettes et qu'il se rende compte qu'il aurait de toute façon accès à ces photos, je ne vais pas me gêner!» ajouta-t-il avec un large sourire, avant de répondre à son invitation et de s’assoir auprès d’elle.

Il avait presque envie de la remercier de sa simplicité, qui lui faisait quasiment oublier toute la précarité de sa situation présente. Il n’y avait, pour le moment, que lui et ce joli brin de femme au rire si limpide et bienfaisant, sur un banc de parc d’une agréable allée de Tokyo. Sans Witches. Sans morts. Sans responsabilités… Un aperçu fugace d’une vie de rêve auquel il n’aurait jamais droit…

« - J’imagine que ça ne doit pas être simple tous les jours d’occuper ta fonction ! C’est étrange de te croiser par ici … Je te vois si rarement sur le terrain ! »

Simple…Si seulement elle savait à quel point c’était tout sauf simple…Même la réponse à cette simple question n’avait rien de simple. Que pouvait-il lui dire, de sa fonction ? Quel poids avait-il le droit de décharger sur ses épaules qui se dévouaient déjà tant pour lui ? Quel bien découlerait du fait qu’elle sache qu’il ne se permettait jamais de supporter ses louveteaux lors de leurs missions car il était lui-même occupé d’un bout à l’autre de la planète, s’auto assignant les missions qu’il jugeait trop risquée pour sa propre équipe, avec ses maigres moyens, et ne récoltant que les blâmes de son propre supérieur ? À quoi bon…

« C’est beaucoup plus simple qu’il ne paraît : il me suffit de vous lâcher sur les traces de votre proie, et en deux temps trois mouvements, vous me la ramenez hors d’état de nuire. Qu’est-ce que je pourrais demander de mieux ?», choisis-t-il de répondre avec son sourire le plus convainquant, question de conserver la bonne ambiance et de ne pas la troubler avec sa propre réalité. Car il n’y avait pas que lui et ce joli brin de femme au rire si limpide et bienfaisant, sur un banc de parc d’une agréable allée de Tokyo. Il y avait des Witches. Il y avait des morts. Il y avait des responsabilités… dont celle de préserver le peu d’innocence que sa troupe avait pu conserver, contre vents et marées.

Elle avait raison sur un point, cependant. Depuis quelques mois, il se faisait distant avec l’équipe, maintenant une distance de sécurité qui empêchait tout rapprochement possible entre eux et lui. Mais après tout, n’était-ce pas dans la nature des choses ? Ils avaient grandis ensembles, à Stonewall. Lui avait été formé pour diriger efficacement leurs incroyables capacités, au sein de l'Organisation.

Elle réitéra ses interrogations sur sa vie professionnelle. Il n’entendit pas vraiment ce qu’elle lui dit après « responsabilités », les coudes sur les genoux, le regard fixé au loin... dans les tréfonds de sa mémoire, qui s’empressa de saisir l’occasion de l’assaillir.

En un éclair, il se remémora l’affaire Nathaniel, dans toute son horreur : sa décision, la mort du jeune inquisiteur, la tristesse d’October, la haine de Robin. Puis le cas Lilith et ses multiples victimes collatérales…Des souvenirs qui lui perforaient le cœur avec autant d’efficacité qu’au lendemain des événements…S’il seulement il n’avait pas fait l’un des multiples choix qui avaient conduits à ces deux tragédies. Il y aurait eu tellement d’occasions de les prévenir, mais pourtant, elles s’étaient tout de même produites.

La question n’était plus de savoir qui serait le prochain, mais plutôt lesquels seraient encore vivant, à la fin de la route…

Heureusement, elle le tira des affres de sa mémoire plus que parfaite, en le remerciant d’un sourire pour son support dans l’affaire Axel. Il s’y accrocha comme un naufragé à une bouée.

« Tu sais, je ne devrais peut-être pas te dire cela, mais ce serait plutôt à moi de te remercier. Je ne me sentais pas de taille pour avoir Axel par moi-même, alors j’ai appelé la cavalerie en renfort!».

Il tourna la tête vers elle et lui décerna un clin d’œil complice, sourire aux lèvres. Mais les lambeaux de ses regrets voilaient encore ses yeux, il le sentait…Il n’osa pas s’aventurer dans une réponse à sa question, ni même la remercier de ses bons mots ou lui avouer que lui-même savourait grandement sa compagnie.

« Allez, maintenant que nous avons en main les preuves que tu as tout d’une star de la mode, il est temps d’aller te relooker à la saveur locale pour notre rendez-vous de ce soir!»

Il se leva du banc, et encore prisonnier de ses douloureux souvenirs, se dirigea un peu plus haut vers le nord, là où il savait pouvoir trouver une série de boutiques vendant des kimonos des plus tendances. Son visage affichait un trouble manifeste, ou à tout le moins, une distraction profonde, qu’il ne parvint à chasser que devant l’entrée de la première de celles-ci. Il secoua légèrement la tête, avant de poser son regard bleu-vert sur le visage de Sena et de lui sourire chaleureusement.

« À partir de maintenant, tu as le champ libre pour au moins une bonne heure! Je peux te donner mon avis sur tes choix, mais là s’arrête ma compétence. Après tout, je peux me fier au sens de l’esthétisme d’une mannequin du Vanity, non ?»

D’un mouvement quasi théâtrale, il colla ses pieds et, baissant la tête, il désigna de la main droite tendue au niveau des hanches l’entrée de la boutique, avant d’ajouter, avec une expression joueuse.

« Après toi! Et si rien ne te convainc, sache qu’il y a sept boutiques susceptibles de faire l’affaire d’ici à la prochaine intersection.»

Il espérait que Sena n’ait pas trop été perturbée par son attitude des dernières minutes. Parfois, sa mémoire s’avivait avec tant de force qu’il ne parvenait pas à la contrôler et à demeurer dans le présent… Au moins, cette petite séance de shopping inopinée allait lui permettre de se remettre d’aplomb!

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Sena n’avait pas l’intention de gâcher cette si bonne ambiance, elle se mordit la lèvre inférieure lorsqu’elle vit Adel sombrer dans ses pensées. Sa question semblait ouvrir une porte qu’il désirait laisser close. La Hunter soupira profondément, elle ne savait pas trop comment rattraper son erreur et elle préféra le laisser réfléchir à une réponse … Elle arrangerait les choses plus tard ! Son chef médita quelques instants et trancha en lui sortant l’affirmation la plus fausse qu’elle n’ait jamais entendue de sa bouche. C’était étrange d’entendre un mensonge franchir ses lèvres à lui, Sena fronça les sourcils d’un air intrigué … Qu’y avait-il de si horrible pour qu’il désire le cacher à une Hunter ? Sa fonction la contraignait à ne plus voir la vie en rose, pourquoi continuait-il à préserver le mystère ? La demoiselle ne persista pas dans ses idées, pas besoin de mettre Adel plus mal à l’aise qu’il ne l’était déjà ! Au contraire, la blondinette cherchait un moyen de le faire oublier ces interrogations briseuses d’ambiance.

La jeune femme n’était pas toujours douée pour les plaisanteries, cela dépendait des circonstances et cette fois, elle ne trouva pas les mots ! Adel replongea dans une semi-absence qui inquiéta Sena …. Sa seconde question fut sans doute plus douloureuse que la première, elle n’avait aucune idée de ce qui pouvait passer dans l’esprit de son chef mais ça ne devait pas être très beau ! Une expression d’intense déception fut de passage sur son visage, la belle blonde hésita longuement à faire usage de son don pour calmer son supérieur ! Elle pouvait toujours essayer … Il serait peut-être plus heureux si elle contrôlait ses sentiments ? Mais peut-être le prendrait-il mal ? Sena ne voulait rien risquer, empirer la situation serait décevant. Sa réflexion sur Axel parvint à le tirer de ses songeries. Enfin une réaction quelque peu plus positive ! Sa remarque la fit sourire, Adel tenta de lui rendre son sourire mais dans ses yeux se lisait encore l’anxiété.

« - Avec toi et moi à dos … Il ne s’en sortira pas ! C’est sûr ! »

Un peu d’enthousiasme dans tout ce pessimisme si soudain faisait du bien. Sena avait brisé la douce harmonie qui régnait entre eux depuis leur rencontre d’aujourd’hui … Elle regrettait amèrement de l’avoir mis dans un tel état ! Jamais elle n’aurait imaginé que parler de son travail était si douloureux pour Adel. Heureusement son chef ne se laissa pas submerger longtemps par ses réflexions et décida de réagir … La demoiselle pouffa de rire, alors il avait été sérieux !? Elle allait sincèrement devoir revêtir un kimono ? Sena lui lança un regard complice tout en se levant d’un geste rapide du banc, elle avait envie de le suivre, peu importe où il l’emmènerait ! Tout cela promettait d’être bien plus amusant que de discuter de leur fonction respective. La Hunter tentait de garder à l’esprit qu’Adel n’était pas son ami et qu’il faisait ça simplement dans le but de coincer ce Witch mais plus les minutes s’écoulaient et plus elle avait l’impression qu’ils s’amusaient réellement …

Le large sourire présent sur les lèvres de Sena ne chassa pas les pensées sombres de son supérieur qui resta pensif durant le trajet. Ce qu’elle aurait aimé retrouver le jeune homme à l’appareil photo qu’elle avait croisé plus tôt dans la journée ! Cet inconnu qui marchait devant elle la démoralisait complètement … Ils arrivèrent enfin devant un premier magasin, la demoiselle avait perdu son sourire en chemin. Il se tourna vers elle et masqua une fois de plus ses émotions derrière un sourire qui n’impressionna pas Sena. La Hunter ne se fatigua pas, elle se contenta d’hocher la tête alors qu’il lui parlait. La petite mise en scène dont il fit preuve amusa la blondinette qui passa comme il le lui proposait, elle s’arrêta cependant et se retourna vers Adel, son sourire avait retrouvé son place sur ses lèvres.

« - Tu vas apprendre les joies du shopping ! »

Elle afficha un air on ne peut plus enfantin, Adel avait certainement fais du shopping avec une femme dans sa vie … C’était inévitable ! Mais jamais il n’en avait fais avec Sena Wilhelm ! Elle entra dans la boutique qui était parfumée par ces petits bâtons que les Japonais aiment tant faire brûler. La jeune femme s’aventura à l’intérieur suivie de près par son supérieur, elle ignorait si lui aussi allait se sélectionner des kimonos. Peut-être faisait-il lui aussi partie du plan ? La blondinette entreprit de regarder les diverses tenues qui étaient exposées ça et là. Une petite femme apparut vêtue d’un magnifique kimono blanc. Sena la salua poliment et accepta son aide, c’était la première fois qu’elle désirait acheter ce genre de tenue ! Après quelques compliments sur sa silhouette presque parfaite et ses cheveux, la commerçante fit un petit signe de la tête à Adel en guise de salutation. La Hunter se tourna vers celui qui s’était dévoué pour l’escorter, alors que la Japonaise l’entraînait dans les tréfonds du magasin, elle fit un signe de la main à Adel pour qu’il les suive.

Ils débouchèrent dans une vaste pièce qui sentait somptueusement bon, les murs étaient décorés de dizaines de fleurs de lotus. Sena entra dans l’une des cabines d’essayage, le premier kimono à la main. Elle s’observa dans le miroir, elle ne parvenait pas à réaliser qu’elle était en mission ! Jamais une mission n’avait été aussi amusante ! Si ce n’est peut-être l’une ou l’autre avec Robin qui était la personne qu’elle aimait le plus au monde. La blondinette se dévêtit lentement et inspecta son reflet alors qu’elle ne portait que ses sous-vêtements. Une petite cicatrice était finement dessinée sur sa hanche, preuve d’un récent combat sanglant ! La demoiselle fit glisser ses doigts sur la marque, tentant d’oublier le visage meurtri de la Witche qui lui avait entaillé la peau. Sena s’empara du kimono et l’enfila difficilement, elle dut recommencer plusieurs fois. La demoiselle tira le rideau pour qu’Adel puisse constater à quel point c’était … catastrophique ! La belle blonde éclata d’un grand rire lorsqu’elle vit le regard du jeune homme se poser sur elle. Sena était prête à parier deux ans de mission non rémunérée qu’elle n’avait pas mis le vêtement correctement !

« - Je ne sais vraiment pas comment on enfile cette chose ! Et tous ces nœuds à faire partout c’est incroyable … Tu m’aides ? »

Elle se dirigea d’un pas dansant vers l’homme, tournant sur elle-même. De dos c’était encore pire … Sena maintenait le tissu avec les doigts car elle ne parvenait pas à le nouer avec la ceinture. La Hunter pouffa de rire et se souvint qu’elle avait une petite cicatrice dans le dos aussi, fermant les paupières une seconde, elle pria pour qu’Adel ne remarque pas l’infime trace rouge qui se profilait de son dos vers son épaule. La petite femme revint et fut choquée de voir comment Sena avait enfilé son kimono, elle prononça des mots que la belle blonde ne comprit pas mais à en juger par l’expression de son visage, elle était mécontente au plus haut point ! La demoiselle fit un pas vers l’avant et tourna sur elle-même rapidement, se redressant fièrement sur ses pieds, elle ajouta :

« - C’est si horrible que ça ? »

Ses yeux croisèrent son reflet dans le miroir et elle partit d’un grand rire qui résonna dans tous le magasin. Ce petit rire léger et innocent qu’elle ne s’était plus entendue pousser depuis si longtemps … Sena glissa une main dans ses cheveux et oublia quelques instants la présence d’Adel, se dirigeant vers le miroir pour constater à quel point le vêtement ne lui allait pas ! Le tissu devait se croiser au niveau de sa poitrine, sur son frêle corps, il formait une étrange croix ouverte vers l’intérieur … La ceinture pouvait faire cinq fois le tour de sa taille et à première vue elle avait fais des nœuds à des endroits où il ne devait pas y en avoir ! Sena soupira et constata avec amusement qu’elle n’était vraiment pas douée pour les tenues locales … Ses yeux se reportèrent sur son supérieur, elle hésita un instant à l’observer. Elle se sentait si bien pour une fois ! Si elle voyait de l’inquiétude dans les yeux d’Adel, tout son bien-être s’envolerait en un claquement de doigt … D’un autre côté, le voir tout aussi heureux qu’elle la rendait euphorique. La Hunter décida de tenter le coup, elle le fixa droit dans les iris et …

« - Non, non ce n’est pas possible ! Mademoiselle, ôtez ce kimono tout de suite je vous prie ! »

Si Sena comprenait bien le Japonais, c’était à quelques mots près ce que la petite dame lui avait dis. La blondinette s’élança vers la cabine et entama un long et éprouvant combat contre le kimono, elle parvint à dégager le haut mais le nœud de sa taille s’était resserrait plus fermement autour d’elle, l’empêchant de la sorte de s’extirper du pantalon. De sa voix enjouée, aux intonations presque enfantines, elle lança à Adel :

« - Tu pourrais venir m’aider ? »

Sena se retourna et tira le rideau, elle attrapa ses cheveux et les souleva de façon à ce qu’il puisse la libérer du nœud assez facilement sans avoir sa chevelure entre les doigts. La Hunter ne savait pas si la voir à moitié-nue gênerait Adel … La blondinette n’y avait pas sérieusement réfléchi, désormais elle avait presque oublié temporairement que c’était son chef qui venait de poser les mains sur le nœud dans son dos ! Sena pouffa de nouveau de rire lorsqu’elle imagina à quoi ressemblerait leur prochaine discussion dans le bureau d’Adel. Il n’y avait aucune raison qu’elle soit différente des autres … Après tout, s’ils faisaient les magasins c’était pour capturer cet Axel ! La demoiselle poussa un soupire de soulagement lorsque le kimono se desserra et s’écroula au sol.

« - Tu n’as pas honte de me faire souffrir comme ça ?! »

Elle lui fit un grand sourire et le chassa gentiment en le poussant hors de la cabine, elle referma le rideau et passa ses propres vêtements. Lorsqu’elle sortit, le kimono qu’elle avait essayé semblait intact ! Sena lança un regard au vêtement et leva les yeux au ciel … Son chef exagérait tout de même !

Adel s’en rendait bien compte, son humeur maussade avait passablement affecté sa compagne du moment. Tout comme le rire de cette derrière lui allégeait le cœur, ses sombres pensées anéantissaient son enthousiasme contagieux. Curieux échange, auquel il devrait faire plus attention. Il n’avait pas le droit d’imposer le fardeau de sa conscience à une jeune femme si sensible.

Heureusement, la perspective de faire les boutiques semblait lui ouvert fait retrouver tout son entrain, qu’il soit feint ou sincère. Toujours est-il qu’elle semblait prendre sur elle de lui remonter le moral, et qu’il n’était pas insensible à la délicatesse de son acte.

Il pénétra dans le magasin de kimonos sur les talons de Sena, les mains dans les poches de son veston, le regard curieux parcourant toutes les nombreuses pièces en démonstration. Les clients n’affluaient pas, ce qui n’avait rien d’étonnant considérant la situation actuelle. Lorsque les gens craignent pour leur survie, ils sont beaucoup moins portés à regarnir leur garde-robe…

Au moins, le caractère désert de la boutique favorisait la disponibilité des commis, et ils n’eurent pas longtemps à regarder autour d’eux comme des aliens téléportés dans un monde inconnu avant que l’une d’elle ne vienne prendre en main Sena., avec cette courtoisie et ce sens des convenances à la fois si typique et si adorable des japonais. Elle la complimenta avec enthousiasme autant sur l’élégance de sa morphologie que sur la beauté de ses boucles d’or, deux caractéristiques qu’elle ne devait que très rarement avoir le loisir d’apprécié dans cet univers de sveltes et menues femmes aux cheveux noirs.

Ce faisait, cependant, elle aiguillonna l’esprit d’Adel vers une voie qu’il n’avait pas encore franchement considéré. À savoir, que ces compliments étaient tout à fait justifiés! L’espace de quelques secondes, il détailla rapidement sa collègue d’un regard nouveau, et force lui fut d’admettre qu’il s’agissait d’une femme capable de faire tourner bien des têtes. Bien entendu, il était conscient de la beauté de la demoiselle bien avant ce jour…mais à un niveau de conscience différent qu’en ce moment.

Il se rabroua mentalement de ces pensées relativement inappropriées, avant de suivre la vendeuse et sa cliente vers une autre partie de la boutique, décorée de sublimes fleurs de lotus naturelles. Adel les avait toujours adorées, avec leur aspect majestueux, et agréait sans peine avec le symbolisme de beauté divine qui leur avait été attribué au fil des âges. Y voyant une façon fort à propos de remercier Sena de son agréable compagnie de la journée, ainsi que pour se faire en quelque sorte pardonner sa distance depuis les années qu’ils travaillaient tout deux ensembles, il s’enquit du prix d’un bouquet à la vendeuse qui attendait le retour de sa cliente.

Après quelques négociations, il parvint à la faire céder, et elle partit préparer le bouquet Sur cet entrefait, alors qu’Adel se distrayait en parcourant des yeux les mannequins, une Sena emmitouflée de façon très créative, mais absolument non conventionnelle, d’un kimono aux teintes violacées fit coulisser le rideau qui l’isolait. Masquant de son mieux sa réaction, il ne put cependant retenir un franc sourire lorsqu’il vit qu’elle-même prenait la chose avec humour.

« Mais bien sûr! Laisse faire un expert dans l’enfilage de kimono féminin, tu vas voir. »

Visiblement, elle ne saisit pas toute l’ironie de sa réponse… ou elle voulut le prendre à son propre jeu. Toujours est-il que, comme une enfant qui venait de recevoir son premier costume de scène, il vint vers lui d’un pas léger et fit demi-tour dans un geste qui tenait presque de l’acrobatie. La boucle, si l’on pouvait décemment nommer ainsi la chose qui retenait le tout à peu près en place, était constituée si chaotiquement que malgré les réelles connaissances d’Adel en la matière, acquise lors du même séjour où il avait rencontré l’électronicien, il aurait été bien en peine d’arranger le tout.

Heureusement, tandis qu’Adel luttait avec une bonne volonté manifeste sous les éclats de rire de sa compagne, la vendeuse revint et les gourmanda, autant pour le relatif massacre qu’ils faisaient de son habit que parce qu’Adel se mêlait d’aider Sena à se vêtir. Preuve supplémentaire du caractère traditionnel des gens d’ici, pour qui il n’était forcément séant qu’un homme joue avec les vêtements d’une femme en public.

Nouvelles pirouettes, et nouveaux éclats de rire lorsqu’elle prit conscience de son allure. Une véritable ballerine qui ne pouvait voir autres choses que des prétextes à être heureuse pour le moment. Comme quelqu’un qui a été privé trop longtemps d’occasion de l’être… La cicatrice qu’elle portait à l’omoplate gauche rappela trop cruellement à Adel à quoi était confrontée quotidiennement cette jeune femme qui n’aspirait qu’à profiter de la vie… et qui méritait bien mieux encore. Triste époque, que la nôtre…

« Maiiiis non, tu ne pourrais pas avoir l’air horrible. Disons simplement que ça pourrait être…un peu mieux ? »

Il risqua cet euphémisme, sourire malicieux au coin des lèvres. Quelque part au fond lui-même, une partie de son âme se réjouissait d’assister à un tel spectacle, où la joie triomphait de toute la noirceur environnante. Et le simple fait de savoir qu’en quelque part, il était un peu à l’origine de ce moment amplifiait son allégresse. Si seulement l’existence ne pouvait être constituée que de ces beaux moments…Ou si au moins sa mémoire pouvait ne se rappeler que de ceux là…

Sous les poussées insistantes de la vieille dame, qui lentement mais sûrement commençait elle aussi à se laisser prendre au jeu et échappait quelques sourires qu’elle tentait tant mien que mal de masquer, Sena fut obligée de retraiter vers la cabine d’essayage. Conscient que, craintive face à cette première expérience, elle n’oserait peut-être pas poursuivre le processus, Adel interpella la vendeuse.

« Auriez-vous l’amabilité, Grand-Mère, de venir lui préparer et de l’aider à se parer du troisième kimono sur la droite ? »

Elle leva les yeux vers lui et lui décerna un sourire qui masqua ses yeux tant il était étiré.

« Vous avez très bon goût, jeune homme. C’est celui que je lui aurais suggéré moi-même. Il s’agencera à merveille avec l’iris de ses yeux, et l’éclat de sa personnalité. »

Puis elle se dirigea vers le vêtement en question, laissant Adel seul…jusqu’à ce que Sena requiert ses services. Il hésita quelques moments, avant de finalement céder d’un haussement d’épaules.

À sa grande surprise, il se retrouva face au dos dénudé de sa subalterne, et encore une fois fit face à un moment d’hésitation. Une forme d’intimité s’était spontanément établie entre eux, mais il ne s’attendait tout de même pas à ce qu’elle atteigne ce niveau. Alors que ses doigts s’affairaient et frôlaient occasionnellement la peau satinée de sa collègue tout juste au niveau de la courbe de ses reins, il réalisa avec amertume qu’il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas posé les mains sur une femme. Senti son parfum d’aussi près, ou encore contemplé la musculature subtilement parfaite d’un dos féminin…

Il vint éventuellement à bout du nœud, et le kimono qui glissa jusqu’au sol lui remémora une scène semblable, vécue dans une toute autre perspective…

Il se laissa expulser en souriant, les yeux baissés comme un gamin que l’on réprimande, avant de rétorquer, une fois de retour dans la salle d’essayage :

« Ça, c’était pour la Witch de Southampton que tu m’as ramené à l’état de pulpe sanguinolente plutôt qu’en état de communiquer! Et ne te rhabille pas trop vite, nous en avons choisi un second pour toi.»

Bien entendu, le « reproche » était formulé sur un ton bon enfant qui lui enlevait toute crédibilité.

La vieille dame revint, portant dans ses bras la pièce la plus sublime de sa collection. Elle adressa un sourire convenu à Adel, avant d’aller rejoindre Sena dans la cabine d’essayage.

[Bon, je m’excuse, je crois que je préfère arrêter ici et te laisser encore une fois la main plutôt que d’avancer trop rapidement et de passer outre des éléments qui pourraient être potentiellement intéressants. Après tout, nous ne sommes pas pressés, nan ? :) J’espère que tu ne m’en voudras pas de ce message uniquement réactif! ]

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Sena ne pouvait s’empêcher de sourire, la situation était si étrange … Elle appréciait beaucoup la compagnie d’Adel ! Il n’avait rien du patron froid et distant qu’elle avait toujours imaginé qu’il était. Au contraire, c’était un homme sympathique et qui avait un sens de l’humour non négligeable ! Lorsqu’elle sortit de la cabine, si maladroitement vêtue, elle remarque tout de suite le sourire sur les lèvres de son chef. La blondinette n’avait certainement pas mal pris le fait qu’il soit amusé de sa non-expérience ! Elle-même trouvait que la façon dont elle avait enfilé le kimono était ridicule … C’était une petite victoire personnelle de le voir un peu plus heureux. Après tout, c’était par sa faute qu’Adel avait sombré dans d’obscures et inconfortables pensées ! Sena éclata de rire lorsqu’il parla d’expertise en matière d’enfilage de kimono féminin … Elle leva les yeux au ciel pour toute réponse à cette remarque, un sourire toujours attaché aux lèvres. Alors que les doigts d’Adel s’occupaient de l’horrible nœud qu’elle avait fais dans son dos, la commerçante revint et sembla offensée de la scène. Sena imagina un instant ce que cette femme avait du s’imaginer ! Un rire non dissimulé sortit de sa bouche alors que la Japonaise les séparait sans aucune pitié.

Ce n’était pas dans la mentalité locale de voir des gens ne formant pas un couple se toucher de la sorte ! À vrai dire, en Angleterre non plus ça n’aurait pas été très bien vu ! Sena ne réfléchissait pas à cet aspect … Cette vision des choses. Adel restait son supérieur et pour cette simple raison, elle n’avait pas peur de sentir ses doigts toucher sa peau. La remarque qu’il lança par la suite la fit exploser de rire, un peu mieux ?! La belle blonde en avait presque les larmes aux yeux. C’était presque touchant le soin qu’il mettait à trouver les bons mots pour ne pas la vexer. Cette fois, elle avait parfaitement compris que le kimono n’était pas fais pour elle ! Alors que la blondinette ôtait le vêtement, elle entendit vaguement un échange de paroles entre la commerçante et Adel … Allait-il encore la contraindre à enfiler des tenues qu’elle ne savait pas mettre ? Sena ne s’en plaignait pas, c’était tellement amusant ! C’est à ce moment-là qu’elle décida d’appeler son chevalier servant à l’aide. En gentleman, il vint l’aider à ôter ce kimono qui ne désirait décidément pas quitter le corps de la demoiselle !

Ce n’était peut-être pas la meilleure idée qu’elle ait eu de la journée … Adel vint vers elle pour lui ôter son kimono et dans son combat contre le nœud, il frôla du bout des doigts la peau de la demoiselle. Ce contact entre lui et Sena la fit frémir, elle secoua la tête ! C’était la faute de ce maudit kimono, il l’influençait et mettait dans sa tête des idées qui ne lui appartenaient pas … La blondinette ne pouvait s’empêcher de ressentir un léger frisson à chaque fois que les doigts de son chef touchait sa peau, heureusement il se recula ensuite dès que le nœud fut dénoué. La belle blonde eut envie de crier de joie ! L’objet de torture avait enfin quitté son petit corps et tout ça sans égratignure. Sena eut la mauvaise idée de ne pas se revêtir tout de suite, elle préféra s’observer dans le miroir quelques secondes. Ses yeux s’attardèrent sur son dos, la Hunter fronça les sourcils … Tant pis si ils avaient définitivement dépassé la relation supérieur/Hunter. Sena serra d’une main sa longue chevelure blonde et jeta un regard critique sur son frêle corps ! S’il y avait bien un inconvénient dans ce métier, c’était les risques ! La demoiselle détestait voir une cicatrice sur elle, heureusement elles n’étaient pas nombreuses.

« - Elle s’était montrée odieuse ! Et elle n’a pas été très douce avec moi non plus … Si tu m’obliges à enfiler un autre de ces vêtements, je te fais subir le même sort qu’à cette Witch ! »

Sena lança un petit rire qui se percuta aux murs de la cabine. C’était la première fois qu’ils faisaient entrer leur travail dans une phrase sans pour autant s’en sentir mal à l’aise ! Quel progrès étonnant ! La Hunter se scruta encore un instant, elle inspectait ses longues jambes lorsque la commerçante entra dans la cabine avec le second kimono. La Japonaise remarqua certainement l’air las sur le visage de la belle blonde car elle pouffa silencieusement de rire. Sena n’avait pas trop le choix et à vrai dire, celui-là était vraiment beau … Quel dommage qu’Adel désire tellement qu’elle le massacre ! Heureusement la vendeuse eut la brillante idée de lui mimer les gestes qu’elle devait faire pour le mettre sans trop de problèmes. La jeune femme eut une illumination et sauta presque de joie lorsqu’elle comprit qu’il n’y avait pas dix nœuds à faire. L’autre femme la laissa s’habiller librement et sortit de la cabine. Lorsqu’elle écarta le rideau pour sortir, Sena se pencha pour faire un petit signe à Adel … Pour le rassurer et lui dire que cette fois tout irait bien !

« - Je plains ces pauvres Japonaises qui doivent s’habiller avec ça tous les jours ! Tu n’imagines pas le temps que ça prend pour mettre un kimono ! »

Et soudain, elle se souvint qu’il lui avait dis qu’il avait eu une relation avec la nièce de ce commerçant croisé plus tôt dans la journée … Adel devait certainement mieux savoir qu’elle à quelle vitesse les Japonaises mettaient ce genre de vêtement ! Sena rougit légèrement, elle n’avait jamais eu ce genre de pensée envers son chef. La vie privée de celui-ci avait toujours été un mystère qu’elle n’avait jamais tenté de résoudre ! Désormais c’était quelque peu différent … La Hunter se retrouvait involontairement mêlée à cet univers, à cette partie de la vie d’Adel ! Et c’était lui qui lui avait confié cette relation, Sena ne l’avait pas questionné ! Elle parvint à enfiler le kimono avec un peu plus de facilité cette fois, elle s’observa dans le miroir et estima qu’elle s’en sortait bien pour un second essai avec ces objets de torture. La tenue enveloppait son corps de poupée de porcelaine à la perfection, le tissu glissait sur sa peau comme s’il s’agissait d’une plume. Sena remarqua que le kimono se resserrait plus fortement à la taille. La Hunter fut étonnée de se voir vêtue de la sorte … C’était la première fois qu’elle se voyait si « Japonisée » !

La demoiselle tira lentement le rideau, pour ne pas briser l’effet de surprise trop vite. Sena joignit les mains dans un geste amusé et étira ses lèvres en un large sourire. Elle ne savait pas juger sa propre beauté ! Elle n’était absolument pas objective lorsqu’il s’agissait d’elle-même … La Hunter laissait la responsabilité de trancher à Adel. Elle avança vers lui d’un pas dansant, elle se sentait à l’aise dans ce kimono mais … Était-ce logique ? Ces vêtements ne devaient pas se porter serrés ? Elle n’en savait rien ! Mais elle se sentait bien et c’était le plus important. La belle blonde tournoya sur elle-même comme elle le faisait lorsqu’elle était encore une fillette avec sa grande robe de princesse. Ses yeux scrutèrent le visage du jeune homme face à elle, jugement ? Sena ne pouvait pas totalement comprendre l’expression qui régnait sur ses traits, elle était très impatiente d’avoir son avis !

« - Je crois que cette fois je l’ai mis comme une vraie petite Japonaise ! Regarde, je n’ai même pas eu besoin de tes doigts d’experts pour faire ce nœud ! »

Elle désigna du doigt un petit nœud qui se situait dans son dos, Sena était elle-même impressionnée du talent dont elle avait fais preuve avec ce kimono ! Elle avait imité la commerçante lorsqu’elle lui avait montré comment l’enfiler et tout s’était déroulé parfaitement bien. La belle blonde se pencha sur le miroir et s’observa, si elle en prenait un, il faudrait faire quelque chose de mieux de ses cheveux ! Ils étaient beaux mais ne s’accordaient pas avec le kimono coiffaient comme ça ! Sena sautillait presque de joie, elle revint vers Adel et se posta face à lui avec un air malicieux sur le visage. Elle planta ses yeux dans ceux de son chef et tenta de discerner un peu de joie dans son regard …

« - Et tu sais quelle condition j’ai décidé d’imposer pour que je porte un kimono ?! Je vais t’aider à trouver ! J’exige que toi aussi tu t’habilles comme dans ce merveilleux pays ! »

Elle lui fit un grand sourire … Vengeance !

[ Mais non il était parfait ton poste ! Le mien est un peu moins bien mais ... Je me rattraperais au prochain ! ]

Nouvelle séance d’attente pour Adel, qui devait trouver quelque chose pour s’occuper l’esprit en attendant que Sena parvienne à enfiler sa nouvelle tenue. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait pris le temps d’aller faire du shopping avec une femme. Cette curieuse alternance entre une patiente attente et le dévoilement tant espéré du résultat final, si semblable au bourgeonnement d’une fleur exotique qui aurait cependant le droit à une deuxième chance pour modifier ses couleurs, lui manquait. Heureusement, aucun bruit de lutte n’indiquait que la vendeuse, excédée, avait fini par craquer et décidé d’étrangler l’occidentale aux cheveux d’or.

À mi-chemin du processus, vraisemblablement, la tête de Sena émergea du rideau pour lui indiquer que tout se passerait bien cette fois, avant de rougir brusquement et de se replonger dans son antre. Quel curieux phénomène, que cette jeune femme si pleine de vie… Quelle idée saugrenue pouvait bien lui être passée par la tête ?

« Tu sais, le kimono est aux japonaises ce qu’une robe de bal est aux occidentales : une tenue magnifique et fort élaborée que l’on revêt pour souligner un moment particulier…et dont toutes les jeunes filles rêvent de se parer!. Personne ici n’en porte un fréquemment, et encore moins quotidiennement, je te rassure! Ça leur enlèverait toute leur magie… »

Et s’en suivit une nouvelle période d’attente. Adel avait depuis longtemps fait le tour de tout ce qu’il y avait à voir dans cet endroit, et contrairement à d’autre, il savait pertinemment qu’il n’avait rien à gagner à recommencer son examen méticuleux, chaque détails étant déjà inscrits de façon permanente dans sa mémoire sans bornes. Il ne lui restait que ses pensées…ou ses souvenirs. Préférant de loin les premières, il se demanda comment serait les choses dorénavant, entre lui et Sena ? Leurs anciens appels téléphoniques axés sur une efficacité froide et distante lui sembleraient quelque peu étrange, après un moment comme celui-ci. D’un autre côté, pourrait-il se permettre d’espérer l’entendre rire à nouveau, lorsqu’il lui annoncerait qu’elle devait partir pour le bout du monde pour capturer une Witch absolument non-consentante ?

Il aurait presque espéré avoir choisi les souvenirs…

Un raclement de gorge de la vieille dame le ramena au présent, juste à temps pour profiter de la mise en scène de Séna. Décidément, elle avait en elle tout pour réussir dans le mannequinat. Elle se révéla à lui, dans toute l’élégance rehaussée que lui procuraient son kimono admirablement ajusté et le contraste occidento-oriental de son teint de porcelaine et de sa chevelure blonde. Il poussa un léger sifflement admirateur, tandis qu’elle effectuait quelques pas de danse afin de s’exposer sous toutes les coutures, avant de fixer son regard et son sourire sur lui et d’attendre son jugement.

« Même si je connais parfaitement la finalité de ton rendez-vous, je donnerais cher pour être à la place de ce pauvre Axel ce soir… Tu es particulièrement rayonnante dans tes nouveaux habits, Sena… »

Un court silence s’installa, durant lequel il se demanda s’il n’avait pas été un peu trop loin dans l’expression de son impression… ou un peu trop sincère…

Elle se détourna un moment de lui, observant rapidement sa coiffure, avant de revenir, une expression malicieuse au fond des yeux qui n’auguraient assurément rien de bon, se planter droit devant lui, les mains sur les hanches. Amusé, Adel se demandait bien ce qu’elle avait derrière la tête.

« Voyez vous ça! Maintenant que la demoiselle a le port d’une princesse, elle se pense impératrice et émet ses ordres! Très bien, votre majesté, je suis à votre service. »

Il s’inclina respectueusement, un air franchement amusé fiché sur son visage. Il y avait décidément de quoi oublier que l’enfer se déchaînait dehors, en compagnie de ce malicieux petit ange déchu.

Adel la regarda quelques instants alors qu’elle lui cherchait quelque chose qui lui irait, tentant manifestement de percer les subtiles mystères qui différenciait les kimonos masculins des féminins. Après quelques instants où il ne put s’empêcher de la regarder aller, sourire en coin, il constata que la vendeuse s’apprêtait lui porter secours et l’en dissuada d’un hochement de tête.

« Je vais vous épargner des efforts, votre Altesse. Je sais déjà quelle pièce je préfère.»

Sans plus attendre, il alla chercher le kimono en question et, à son tour, alla se cloîtrer dans la salle d’essayage, avec un clin d’œil au passage.

« Je te préviens : si jamais tu en profites pour retirer le tien, il faut que tu sois absolument certaine d’être capable de le remettre à la perfection dans 60 minutes! »

Il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas eu l’opportunité de porter un kimono. L’habitude de cette pratique ne s’était jamais vraiment bien installée à Londres, et il ne fréquentait pas assez les quelques cercles hégémoniques japonais pour en avoir l’occasion.

Il se dévêtit minutieusement, avant de commencer à bien replier sa future acquisition sur lui-même. La dernière fois devait bien remonter à la cérémonie de graduation d’Hikari, sa dernière conquête en date. Elle avait été gravement blessée et avait perdu ses deux parents au cours d’une altercation avec une Witch, qu’Adel avait fini par abattre. Ayant pris la jeune femme en pitié, il l’avait soutenu à distance, autant moralement que financièrement, et elle l’avait en retour invité à venir célébrer son passage à la vie adulte. Ils s’étaient trouvés ainsi, l’espace de quelques semaines : elle parce qu’elle se raccrochait à son protecteur pour sortir de sa solitude ; lui, parce qu’il avait besoin de voir un reflet aimant au fond d’une paire de prunelles. Il vit rapidement l’absence de suite possible à leur histoire : il ne pouvait vivre dans le mensonge, tout en ne pouvant se permettre de lui raconter sa vérité. Il ne restait qu’une option envisageable…

Il l’aida néanmoins à trouver un poste fort intéressant dans un bureau d’avocat très honorable de Londres, et leur séparation se fit en bon terme. Depuis ce temps, cependant, il avait cessé de fréquenter quiconque ne faisait pas partie de son équipe. Son monde, le monde pour lequel il était né, c’était celui-là. Il n’avait pas droit de se mêler à l’existence paisible de ceux qu’ils protégeaient du Mal…

Chassant les souvenirs qui continuaient d’affluer, il mit la dernière touche à son habit, et regagna la salle commune. Il avait choisi un kimono d’un noir de jais, fabriqué dans un tissu qui reflétait les éclats de lumière arrivant selon un certain angle. Deux fleurs de lotus argentées s’entrelaçaient de chaque côté de sa poitrine, et le même motif se retrouvait à l’endos de chaque manche ainsi que dans une version agrandie au niveau de son dos. L’ensemble contrastait phénoménalement avec le style chemise/veston qu’il arborait habituellement; cependant, il le portait avec une aisance qui relevait de l’habitude.

« Suis-je assez bien vêtu pour vous servir de cavalier, votre Sainteté ? »

Sourire en coin, il attendit les commentaires de sa collègue, avant de porter son attention sur la vendeuse qui hochait la tête en signe d’approbation muette. Il la complimenta grandement sur la qualité de son établissement et de son inventaire.

« Nous les prendrons donc tous les deux, ainsi que le bouquet. Merci infiniment de votre assistance…et de votre patience!»

Se disant, il porta un regard en coin à Sena qui ne manqua pas de lui échapper. Il retourna dans la cabine pour récupérer ses vêtements, plia avec grand soin le kimono, puis se dirigea vers la caisse pour régler la facture d’une véritable petite fortune qu’ils venaient de contracter. Sac et bouquet enveloppé en main, il devança Sena à l’extérieur de la boutique.

***

« Je suis content que tu aies trouvé quelque chose qui te plaisait dans cette boutique : la propriétaire est la grand-mère du beau-frère de l’oncle de la sœur de la vétérinaire qui s’occupait du Lasapso d’une bonne amie à moi, à qui j’ai appris l’escrime.»

Il conserva un visage sérieux quelques instants, regardant subtilement le visage qu’adoptait Sena, avant de se trahir d’un sourire qui s’étira d’une oreille à l’autre.

Ils continuaient de marcher en direction du nord, lorsqu’ils durent arrêter à un feu. Reprenant son sérieux, Adel poursuivit, en faisait référence à un commentaire qu’elle avait fait une bonne heure auparavant, mais qui était toujours aussi frais à sa mémoire :

« Je suis aussi ravi d’être tombé nez-à-nez avec toi aujourd’hui, Sena. Je découvre avec une agréable surprise que j’ai bien mal vécu ces dernières années, pour passer à côté des opportunités de découvrir la jeune femme exceptionnelle que tu es. »

Il conserva son regard braqué sur le sien quelques instants, avec un faible sourire. Alors que l’excitation juvénile du début d’après-midi s’évaporait lentement au profit du retour de ses inquiétudes et de ses responsabilités, un goût aigre-doux lui demeurait en bouche. Parviendrait-il, après une journée comme aujourd’hui, à conserver son calme et le contrôle de ses pensées lorsqu’il saurait Sena en mission périlleuse ? C’était le genre de question qu’il ne devait pas se poser. Après tout, il l’avait rendue heureuse, pour ces quelques heures. Cela valait bien un poids supplémentaires sur ces épaules…

« Alors, prête pour ton premier rendez-vous, jeune fille ?»

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Sena eut envie d’éclater de rire face à sa propre ignorance … Elle ne connaissait que peu de choses à propos des Japonais, de leurs cultures et de leur histoire ! La Hunter aurait aimé en savoir plus mais ses missions lui prenaient tout de même beaucoup de temps et en dehors de ça, elle aimait beaucoup rendre visite à ses proches. Ils étaient déjà peu nombreux, elle n’avait pas envie de se retrouver un matin seule au monde ! Contrairement à elle, Adel semblait en connaître bien davantage sur ce pays. La blondinette ne se posa pas trop de questions à ce sujet, il avait droit à sa vie privée. Sena termina l’essayage du kimono et s’extirpa de la cabine sous le regard de son chef … La sensation d’observation intense qu’elle ressentit ne la dérangea pas, pour une fois elle se sentait observée mais protégée et non pas surveillée ! Le compliment qu’il lui fit lui alla droit au cœur et elle le remercia d’un grand sourire tout en soufflant quelques mots de remerciement. Mais ces premiers mots n’étaient pas passés inaperçus. Dans son amusement, la demoiselle oubliait quelque peu pour quelle raison obscure, ils faisaient les magasins. La remarque d’Adel la mit dans la confidence … La simple idée de devoir se plonger dans un combat sanglant dans cette tenue l’horrifiait ! Quel dommage d’abîmer de si beaux vêtements !

L’attitude enfantine et joueuse qu’Adel adopta face à sa proposition l’enchanta. Elle avait espéré une telle réaction de sa part, elle n’allait pas le laisser s’en sortir aussi facilement ! Sena s’élança vers les kimonos pour tenter de lui en trouver un … Ses mains se posèrent sur plusieurs tenues et à chaque fois, elle hésita et eut peur de lui proposer un kimono féminin ! Comment faisaient-ils pour les différencier ? La belle blonde poussa un petit soupire d’exaspération, ce n’était tout de même pas la première fois qu’elle venait à Tokyo et pourtant, elle avait l’impression de ne rien connaître et d’être une parfaite idiote ! Ce sentiment d’infériorité intellectuelle la dérangeait fortement … Adel eut l’adorable attention de lui épargner de plus intenses souffrances en choisissant lui-même sa tenue. Son supérieur se dirigea vers un kimono qu’il emporta avec lui vers les cabines d’essayage, le regard de la jeune femme poursuivit l’homme jusqu’à ce qu’il disparaisse derrière le rideau.

Une seconde plus tard, ses mains plongeaient de chaque côté de son propre kimono pour s’en débarrasser. Comme s’il n’y avait pas de rideau entre eux, Adel sembla tout de suite comprendre ce qu’elle envisageait de faire … Sena éclata d’un petit rire léger, il ne la connaissait pas assez bien pour anticiper ses réactions ! Elle décida de ne pas l’ôter, la Hunter ne voulait pas mettre en péril sa mission. Alors qu’Adel enfilait son kimono, elle s’observa plus intensément dans le miroir et remarqua avec amusement les chaussures que son supérieur avait ôtées. Un instant, elle eut envie de rire une seconde fois … Elle s’imagina Adel en kimono avec ses belles chaussures noires qui vont si bien avec son costume ! Son regard se porta sur ses bottes noires qui s’accordaient moyennement bien au kimono, tant pis pas assez de temps pour ça. Sena lança un regard à la commerçante qui patientait calmement dans un coin de la pièce tout en préservant son sourire bienveillant aux lèvres. La Hunter se demanda ce qu’elle penserait de ce charmant présumé petit couple si elle savait ce qu’ils étaient réellement … Des gens de la pire espèce ! La blondinette n’eut pas le courage de continuer à l’observer, elle préféra scruter le rideau de la cabine en attendant la sortie d’Adel.

Sena regretta de lui avoir demandé de mettre le kimono, il n’était tellement plus le chef distant qu’elle avait toujours connu ! Comment pouvait-elle rejeter la faute sur un homme aussi gentil et adorable qu’Adel ? Sans son costume, il paraissait moins sérieux et tellement plus amical. La blondinette s’attachait de plus en plus à lui, elle découvrait une partie de son être qu’elle n’avait jamais entrevu dans le passé ! Elle ne manqua pas de remarquer que son chef semblait parfaitement à l’aise dans son kimono comme s’il avait endossé un simple jean et un t-shirt … La Hunter le détailla avec amusement. Celui qu’il avait choisi était vraiment très beau ! Sena fut très surprise de voir la musculature d’Adel ! Sous ses vêtements habituels, elle ne voyait pas ses épaules carrées et son torse musclé. Avec la tenue locale, tout était bien plus visible. La jeune femme lui fit un grand sourire, il était assez impressionnant vêtu de la sorte ! Mais le jour où quelqu’un ferait peur à Sena … N’était pas encore arrivé !

« - Tu es très beau dans ce kimono, Adel ! Je ne sais pas comment tu as fais pour le sélectionner parmi tous les autres mais … Il est magnifique ! Et sur toi, il est parfait ! »

Elle avait décidé de lui accorder quelques compliments elle aussi, de façon à ce que les flatteries ne soient pas à sens unique. Mais Sena pensait ce qu’elle venait de lui dire ! Adel était très attirant comme ça, cela dit même en chemise/veston il était attirant … Elle s’interdit ce genre de pensées, il fallait rester dans l’optique de l’amitié et du professionnalisme. Il paya leurs achats et le Japonais de la blondinette devait être incorrect car elle crut comprendre qu’il parlait d’un bouquet ! Le regard interrogateur qu’elle lui lança ne sembla pas l’interpeller, Adel tourna les talons et alla ôter son kimono pour remettre ses vêtements à lui. Sena était impressionnée par le prix des tenues … Elles étaient magnifiques, certes, mais peu de gens auraient pu s’en payer ! La belle blonde attendit patiemment que son compagnon de la journée revienne, il s’empressa de la dépasser pour sortir du magasin ce qui ne manqua pas de la faire rire. Qu’avait-il encore en tête ? Décidément, cet homme était une boîte à idées !

La phrase qu’il lui lança en sortant la fit froncer les sourcils, Sena retint une envie d’éclater de rire. Son regard se fit interrogateur mais elle distingua un petit sourire qui se dessinait peu à peu sur ses lèvres, elle pouffa de rire et leva les yeux au ciel d’un air amusé. Ils continuèrent à marcher dans les rues qui devenaient animées. Le ton soudainement sérieux qu’employa Adel fit comprendre à la blondinette qu’ils allaient devoir replonger dans le travail … Elle était prête à aller attraper cet Axel ! Avec un peu de chance, ils boucleraient cette affaire rapidement et elle pourrait retourner à Londres. Tout en marchant aux côtés d’Adel, elle se demanda si elle en avait vraiment envie ! Pourquoi ne pas profiter de la ville ? Et qui sait, peut-être aurait-elle l’occasion de recroiser son chef quelque part par-là ! Et qui plus est, beaucoup de Witches s’étaient regroupées par ici … Rester sur les lieux du crime était assez intelligent ! C’était décidé, elle allait rester à Tokyo ! Le compliment que son supérieur lui fit la fit légèrement rougir, elle se tourna vers lui pour le regarder dans les yeux avec un sourire en coin.

« - Je crois que c’est moi la plus chanceuse dans l’histoire ! »

Le regard d’Adel s’était voilé d’une certaine appréhension qui rendait Sena triste. Il n’avait aucune raison de s’inquiéter pour elle ! C’était une professionnelle désormais dans le domaine de la chasse aux Witches et elle ne risquait pas de perdre la vie ce soir. Elle tenta de le rassurer en lui affichant un grand sourire encourageant, la Hunter se faisait peut-être trop confiance ? Mais elle n’avait pas envie de se remettre en question et de paniquer … Des monstres, Sena en avait capturé tant qu’il lui serait impossible de préciser leur nombre exact ! La question de son chef la rendit enthousiaste, elle joignit les mains d’un air enjoué et hocha affirmativement de la tête. Premier ? Cela insinuait qu’il y en aurait d’autres par la suite !

« - Je suis prête ! Mais avant d’y aller je voudrais que tu te détendes, Adel ! Tu sais que tu peux me faire confiance … Je vais te le ramener en deux secondes ton Axel ! »

Elle sautillait presque sur place d’impatience, Sena se demandait à quoi allait ressembler son « premier rendez-vous » ! Adel semblait avoir l’habitude de préserver de grandes zones de mystères à son propos et au sujet des évènements qui l’entouraient. La Hunter n’avait jamais tenté de briser cette atmosphère qui régnait autour de son supérieur, elle trouvait ça amusant de se lancer dans l’obscurité totale. Mais cette fois, elle avait envie d’en savoir plus … Si Adel avait peur pour Sena, Sena avait peur pour Adel ! Il avait sans doute une puissante force physique mais ça ne serait pas suffisant pour coincer Axel … Celui-là était loin d’être stupide ! La blondinette ne voulait certainement pas mettre la vie de son chef en péril, peut-être serait-il plus prudent qu’il lui explique la suite et qu’ils se séparent ici ? Oui, c’était la meilleure solution pour Adel !

« - Je te propose de me raconter en détails ce que je dois faire ! Tu me laisses gérer cette histoire toute seule et ce soir, je te promets que tu retrouveras Axel dans ton bureau ! »

Elle était mi-amusée, mi-sérieuse. Sa proposition n’avait rien d’une plaisanterie, Sena pouvait gérer tout ça elle-même pas besoin de mettre d’autres vies en danger !

Le bon mot qu’elle lui décerna si spontanément, comme quoi elle se considérait la plus chanceuse des deux d’avoir découvert une partie intime de l’autre, lui alla droit au cœur. Cela faisait du bien, de se sentir accepté, voir même apprécié. Plutôt que les regards sceptiques ou méfiants qu’ils récoltaient habituellement, lorsque sa trop grand mémoire lui faisait énoncer des informations beaucoup trop précises pour être humaine. Il y avait certes une possibilité que Sena ne le flattait que par soucis de se préserver les bonnes grâces de son chef; mais il n’y croyait pas. Ou plutôt, il ne voulait pas y croire…

Il la remercia silencieusement de ses égards, accentuant son sourire.

Ce qui survint ensuite le prit de cours : son agente lui demandait littéralement de se retirer de l’affaire! Le feu tourna au vert avant qu’il ne puisse répondre, et il l’entraîna délicatement vers la gauche, vers une rue une peu moins populeuse, là où se trouvait la porte arrière de leur destination finale. Adel n’avait aucun doute quant aux capacités de sa coéquipière, bien au contraire. Cependant, il se demandait quelles motivations l’avaient poussée à faire ce commentaire. Avait-il l’air plus inquiet que nécessaire ? Croyait-elle qu’il la gênerait dans l’opération ? Au plus extrême, est-ce qu’il transmettait l’image d’un incapable qui ne se contentait que de donner des ordres en demeurant bien à l’abri ? Il savait bien qu’il s’agissait d’un effet pernicieux de son humilité, ou encore du mystère qu’il entretenait autour de ses propres activités, mais il ne savait pas que sa réputation auprès de ses subalternes s’en trouvait autant affectée! Il allait devoir faire gaffe, sinon son commandement allait bientôt être remis en question…

Puis, la réalité le percuta de plus fouet, aussi brutalement qu’un train lancé à pleine vitesse : ce n’était pas qu’elle n’avait pas confiance en lui, mais plutôt qu’elle s’inquiétait pour lui! Quel étrange et inattendu revirement de situation. Pour autant qu’il lui semblait naturel de se faire un sang d’encre pour ses protégés, il n’avait jamais envisagé que l’inverse put être possible.

Ce constat provoqua en lui la diffusion d’une bienfaisante chaleur, et un sourire irrépressible vint momentanément étirer le coin de ses lèvres alors qu’il entreprit de répondre à Sena, tout en continuant de marcher.

« J’ai une totale confiance en tes capacités, Sena, sois-en assurée, et je n’ai nullement eu l’intention de m’interposer entre toi et ta cible. Je ne suis que l’entremetteur! »

Sur ce dernier commentaire humoristique, il entreprit de la briefer sur la mission, son ton prenant des allures de plus en plus sérieuses à mesure que son exposé avançait.

« Ta cible est Axel Jonsson. Puissante Witche suédoise, elle est connue pour de nombreux coup d’éclats dans son pays d’origine. Ses revendications sont essentiellement politiques, mais il ne se gêne pas pour faire preuve de la violence la plus extrême pour faire diffuser ses idées. Il est notamment responsable d’un attentat à la bombe ayant coûté la vie à une cinquantaine de gamins. C’est la première fois qu’il met les pieds hors de la Scandinavie, et nous ne savons absolument pas pourquoi il se trouve à Tokyo. Son pouvoir aurait quelque chose à voir avec une tolérance aux flammes.

Lorsque je l’ai rencontré plus tôt aujourd’hui, j’ai tenté de lui faire groupe que son existence était menacée, ce qui est ironiquement vrai, en fait, et qu’une forme d’organisation était non seulement au courant de cet état de fait, mais pouvait lui venir en aide. Je lui ai donné rendez-vous dans un salon de massage, dans exactement 13 minutes, pour qu’il rencontre quelqu’un chargé de déterminer s’il était digne de confiance ou non. Ce quelqu’un, ce sera toi, qui se fera passée pour une des masseuses de l’endroit. Je te suggère de le mettre en confiance, et de lui montrer que tu contrôles la situation.

Ton objectif principal est de le neutraliser. Lorsque ce sera fait et qu’il ne posera plus de menace, je te demanderais de m’appeler sur mon portable, et je prendrai le relais.

Cette mission possède également deux objectifs secondaires. Primo, nous voulons savoir qu’est-ce qui l’a fait quitter son pays pour débarquer dans ce gigantesque chaos japonais. Secundo, nous voulons connaître son implication dans l’attentat du parc, ou du moins ce qu’il en sait. En ce moment, il s’agit de notre principal suspect. Bien que ces objectifs pourraient être facilités par le contexte de voter rencontre, il se peut très bien qu’une recherche trop poussée ne le mette sur la défensive et compromette ton objectif principal. Ce qui ne doit arriver en aucun cas.

En apparence, la mission ne semble pas comporter de difficultés majeures. Cependant, cette hypothèse se base sur le fait qu’il ait complètement mordu à l’appât que je lui ai donné. S’il fait partie du groupe organisé qui tire les ficelles derrière ces événements, nous devrons vraisemblablement faire face à plusieurs Witches qui seront venues pour nous éliminer. Ce scénario est cependant peu probable. Il est beaucoup plus réaliste de croire qu’il se méfie de cette rencontre, et qu’un ou plusieurs complices garderont l’œil sur lui. Mon rôle dans l’opération sera de les identifier et de les empêcher de nuire à l’exécution de tes objectifs. Nous n’avons aucune information sur ces éventuels complices présumés.

Des questions ? »

Réalisant l’ambiance froidement formel qui venait de les replonger dans la zone de confort implicite qui les unissait avait la journée d’aujourd’hui, il réalisa que c’était le moment de lui montrer que, pour lui, cette époque était du passé.

« Et j’ai oublié un objectif encore plus important que le principal : prends soin de toi là-dedans, Sena. Je trouverais très dommage que ce kimono neuf que je viens de t’acheter ne puisse plus resservir!»

Il avait ajouté cette dernière pique simplement pour ne pas avoir l’air d’un père hyperprotecteur, image qu’il ne souhaite nullement inspirer auprès de quiconque…et encore moins face à la jeune femme.

Il poussa une porte sans aucune enseigne, curieusement déverrouillée, et pénétra dans un sombre couloir faiblement éclairée. Un employé trapu les intercepta rapidement sur un ton qui laissait entrevoir un énervement certain face à cette visite impromptu. Puis, lorsqu’il reconnut Adel, son monologue prit brusquement fin, et il dit, d’un anglais hésitant, mais compréhensible :

« Oh, c’est vous. Ce sera la troisième porte à gauche. Un son de cloche discret se fera entendre quand votre client fera son entrée dans le hall. »

Il se tourna ensuite vers Sena, et ajouta

« Vous portez à merveille nos habits traditionnels, mademoiselle. C’est un effort très louable de votre part. »

Ces directives données il se retira par où il était arrivé, laissant seuls les deux Hunters.

« C’est ici que nos chemins se croisent. À tout de suite.»

Et sur un dernier clin d’œil, Adel emboita le pas au japonais qui les avait accueilli, en direction du lobby principal.

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Sena fut surprise de voir de la contrariété sur le visage d’Adel … Qu’avait-elle dis de si mal ? Elle songea aux paroles qu’elle avait dites, elle ne trouvait pas ! Ils continuèrent à marcher dans une ambiance moins amicale, soudain son chef sembla comprendre le sens de ses mots et il changea d’expression pour laisser place à un sourire. La Hunter fut heureuse de voir qu’il n’était fâché, elle ne retint pas un petit rire lorsqu’il parla d’entremetteur … Il avait dis ça avec tant de légèreté ! Sena ne pouvait s’empêcher d’être heureuse même si la situation était dangereuse et certainement beaucoup plus complexe qu’elle ne le paraissait. Savoir qu’Adel ne serait pas loin de là mettait la demoiselle d’autant plus en confiance, elle savait que si les choses dégénéraient jamais il ne la laisserait à moitié morte dans cette pièce ! Ils firent encore quelques pas, le sourire de la jeune femme toujours accroché fermement à ses lèvres. Elle se sentait bien et parfaitement prête à endosser la mission qu’il allait lui confier dans une minute.

L’amusement et la joie de Sena disparurent dès que les premiers mots franchirent les lèvres d’Adel, il n’était plus l’homme sympathique et si amical … Ce n’était plus que ce chef d’orchestre qui maniait d’une main de fer ce qu’il appelait vulgairement « ses loups ». Il racontait le dossier comme s’il l’avait étudié, la belle blonde eut un pincement au cœur en songeant à toutes ses vies si fragiles et si jeunes que ce Witch avait dérobées. C’était infâme de faire ça à des enfants qui n’étaient pas capables de se défendre … Sena imagina la réaction des parents, les pauvres gens ! Ce qu’elle pouvait haïr cet Axel ! Les indications et les conseils d’Adel furent pris en compte par la demoiselle, elle allait devoir jouer le rôle de la masseuse ? Un frisson d’horreur parcourut le corps de la Hunter. Serait-ce crédible ? La Hunter ne savait pas du tout si ses mains étaient faites pour masser autrui ! Son supérieur termina de lui expliquer ce qu’elle allait occuper comme fonction dans cette mission … Ce n’était pas simple cette fois. Sena avait honte d’avoir autant utilisé la violence pour obtenir des résultats, cette fois elle allait faire ça avec toute la douceur de ses massages.

« - Pas de question ! Je suis prête ! »

Soudain, Adel sembla comprendre qu’il n’était plus l’homme qu’il avait été toute la journée et comme pour tenter de se rattraper, il ajouta un commentaire bienveillant à l’adresse de Sena. La remarque sur le kimono la fit rire, cela faisait plaisir de savoir que même dans une situation comme celle-ci, son chef ne perdait pas son sens de l’humour ! Ils continuèrent de marcher jusqu’à ce qu’ils arrivent face à une porte sans enseignes, Adel entra en premier et guida la belle blonde qui le suivait sans ajouter de mots. Un employé vint à leur rencontre et involontairement, elle se tint sur ses gardes. Heureusement cet homme était tout à fait charmant ! Il les guida au milieu des couloirs et ajouta un compliment adressé à la jeune femme qui ne parvint à retenir un grand sourire. Alors qu’elle allait le remercier, il tourna les talons et disparut aussi vite qu’il était venu. Adel pivota à son tour et salua sa subalterne assez tristement … Pourquoi sa phrase paraissait-elle si dramatique ? Son chef la laissa seule dans le couloir et les yeux de Sena ne purent se décrocher de sa silhouette qui disparaissait. C’était comme le réveil brutal après un si bon et doux rêve ! Les larmes seraient presque venues souiller les beaux yeux de la demoiselle.

Sena se dirigea dans la direction où l’employé lui avait dis d’aller et elle entra dans la pièce, elle se prépara psychologiquement à entamer son travail. Un son de cloche très discret retentit dans la pièce lorsqu’Axel arriva enfin. La belle blonde ne stressait pas ! C’était étrange … Un dangereux Witche se déshabillait de l’autre côté de la porte et elle n’avait pas peur de le croiser, de plonger dans ses iris de meurtrier. Elle patienta en maintenant les mains posées sur ses genoux et la porte s’ouvrit laissant entrer une grande silhouette à la peau blanche. L’homme aurait pu être séduisant s’il n’était pas un tueur d’enfants ! Sena se leva poliment et le salua à la manière des Japonais. Cela sembla amuser Axel qui fit de même tout en observant la demoiselle d’un air ravi. Uniquement vêtu d’une serviette de bain entourée autour de ses hanches, il avait l’air de tomber dans le piège avec facilité. Tout paraissait trop simple à la Hunter, elle avait appris à se méfier de tout et de tout le monde !

« - Bienvenue Monsieur ! Que puis-je faire pour vous ? »

Sena détestait jouer la gentille fille toute sage, elle aurait tellement préféré pouvoir sortir son H33 et faire de lui un véritable gibier humain ! Malheureusement ce n’était pas le plan qu’Adel lui avait demandé d’accomplir … Elle devait obéir aux ordres de son supérieur même si ceux-ci étaient complexes à réaliser. Axel semblait de plus prendre un plaisir pervers à l’observer avec insistance, son regard ne pouvait quitter le sourire faux présent sur les lèvres de la demoiselle. Elle lui désigna de la main la table, sentir ses yeux sur elle la rendait malade ! L’homme ne protesta pas et alla s’allonger, prêt à se faire masser. Sena jeta vers lui un regard de dégoût … Comment avait-il pu assassiner tous ces jeunes enfants ? Comment pouvait-il être un monstre encore en vie ? Elle ravala sa haine pour éviter de lui tordre le cou au milieu du massage.

« - Mon dos est extrêmement douloureux ! »

La Hunter n’avait aucune idée du genre de massage qu’elle devait pratiquer heureusement, une grande affiche lui présentait les diverses techniques à employer. En adoptant un regard presque professionnel, elle secoua la tête de droite à gauche et comprit ce qu’elle devait faire. Sena se dirigea vers le corps d’Axel et tendit les mains vers lui tout en commençant à lui masser les épaules, désormais elle commençait à stresser … Allait-il comprendre qu’elle n’était pas une véritable masseuse ?! L’homme ne réagissait pas, il restait tranquillement allongé sur la table. La Hunter entendit un bruit étrange dans le couloir, Axel sursauta et se redressa d’un geste violent comme s’il s’attendait à ce que l’armée débarque par la porte d’entrée. Sena lui lança le regard le plus interrogateur qu’elle pouvait feindre. Elle n’était pas actrice mais Hunter !

« - Ce n’est rien je suis … Très stressé en ce moment ! Votre kimono vous va à ravir, mademoiselle ! Vous êtes exquise ! »

Sena le remercia poliment d’une voix basse comme adorait le faire les Japonaises. Elle jeta un rapide coup d’œil à l’affiche et remarqua avec effroi quelle était la prochaine étape, elle se promit de faire payer un de ces jours cette torture à Adel ! La Hunter monta sur la table et passa ses mains sur le dos d’Axel … Elle remarqua une horrible cicatrice à peine fermée au niveau de ses côtes. Qui lui avait fais ça ?! Dommage que cette personne ne lui ait pas complètement coupé la tête ! La jeune femme commençait à douter sérieusement de ses talents de masseuse lorsqu’il la complimenta sur sa technique de massage, encore sous le choc de ce nouveau don qu’elle venait de se découvrir, elle lui demanda d’une voix douce et mélodieuse :

« - Aimez-vous notre belle ville de Tokyo, Monsieur … ? »

Elle sentit sous ses mains qu’il refermait les épaules légèrement, commençait-il à avoir des soupçons ? Et bien non … Axel soupira profondément et secoua lentement la tête et haussa les épaules d’un air las. Sena fronça les sourcils d’un air faussement incompréhensif, ce qui arracha un sourire au client qui poussa un soupire d’aise. La belle blonde commençait à se dire que lorsqu’elle sortirait de là, Adel n’aurait plus de tête … Il répondit de sa grosse voix si posée :

« - J’admire cette ville et c’est pour cette raison que je profite pleinement du voyage ! Pouvez-vous insister sur mon épaule droite, elle m’est très douloureuse ! »

Son accent s’entendait assez fortement, Sena se demanda comment un homme d’apparence si sympathique pouvait être au fond de lui-même si horrible … Elle porta ses mains à l’épaule qu’il prétendait douloureuse et commença à la masser, utilisant de l’huile parfumée. La Hunter jeta un regard vers la porte, Axel toussa bruyamment ce qui la fit reporter son attention sur lui. Il semblait se détendre de plus en plus, baissant peu à peu à sa garde. Sena avait envie de lui planter son arme dans le dos et le trouer de balles mais … Non ! Elle devait le neutraliser et non pas le tuer. Il tourna la tête vers elle et afficha un sourire amusé.

« - Vous êtes tellement belle ! Et vos mains … Comment avez-vous fini dans cet établissement, Mademoiselle ? »

Sena eut envie d’éclater de rire, elle n’avait pas sa place ici et c’était parfaitement visible ! Elle continua à le masser et pour gagner un peu de temps, elle attrapa une autre bouteille et étala un peu de cette nouvelle huile partout sur son dos. Il sembla fermer les paupières un instant, le temps qu’elle se crée une réponse sortant totalement de son imagination aujourd’hui heureusement fertile !

« - Le destin Monsieur ! Croyez-vous, vous aussi au destin ? »

La Hunter était persuadée qu’il tomberait dans le piège, qu’il ne la soupçonnerait pas de chercher à obtenir des informations. Axel poussa un grand soupire et lui demanda d’arrêter de le masser, Sena descendit de la table et le jeune homme descendit à son tour. Elle ne savait pas trop ce qu’il faisait et son petit jeu commençait à la rendre inquiète, il était dangereux et ça, elle ne devait pas l’oublier ! Le Witche sautilla sur place et secoua la tête comme s’il était un boxeur prêt à monter sur un ring. Il tendit une jambe et ensuite l’autre, Sena ne comprenait pas ce qu’il tentait de faire … Était-ce une mise en garde ? Une technique pour tenter de la faire tomber sous le charme ?

« - Je suis venu ici pour le travail … Comme beaucoup de gens ! J’ai des choses à accomplir. Je crois que le destin me dicte ce que je suis contraint de faire. Et là je n’ai plus le choix, je dois vous mettre dans la confidence ! »

Sena fronça les sourcils, elle devait jouer le jeu jusqu’au bout ou sa couverture serait trahie ! Axel tendit la main et une petite flamme apparut au creux de celle-ci. La Hunter prit un air faussement étonné. Lui, il semblait fier et afficha un grand sourire. Le Witche s’approcha lentement d’elle et passa ses bras autour d’elle, faisant danser la flamme tout autour de la jeune femme. Sena applaudit fortement des mains, jouer l’idiote n’était pas si compliqué ! Elle continua à applaudir alors qu’il avait éteins la petite lueur, il la prit par la main. Sa paume était chaude sans doute par la faute du feu qu’il avait fais apparaître !

« - Je suis un magicien ! Tu aimes les magiciens ? »

La vitesse à laquelle il s’approchait d’elle fit reculer légèrement Sena, il l’attrapa soudain par la taille et l’attira à lui tout en l’embrassant amoureusement. Elle fut trop décontenancée pour réagir sur l’instant, Axel par contre était très conscient de ses actes ! Il la conduisit vers la table et l’y allongea lentement, la belle blonde eut envie d’éclater de rire … Croyait-il sérieusement qu’une petite flamme lui ouvrirait toutes les portes ? Sena le repoussa légèrement, Axel prit très mal son geste et devint tout rouge. Ses yeux lancèrent des éclairs et il se mit à marmonner quelques mots incompréhensibles. La Hunter se dit que même sous couverture, ça ne servirait à rien ! Cet homme était complètement fou … Elle hésita à sortir son arme et la lui planter entre les deux yeux mais il fut plus rapide. Ses deux grandes mains prirent feu et sans qu’il ne sente la moindre douleur, il les planta de chaque côté de Sena, la piégeant entre la table et lui.

« - Je ne laisserais pas une petite masseuse minable me dire non ! »

Il l’embrassa férocement et la poussa contre la table, laissant tomber sa serviette au sol. Sena se dit que cette fois, Adel était mort ! Le Witche s’installa sur elle et la Hunter le laissa venir à elle comme si la pauvre petite masseuse ne pouvait plus rien contre le grand méchant magicien. Il caressa ses cheveux, il s’était calmé et ses mains étaient redevenues normales. La demoiselle s’empara de ses lèvres avec fougue et alors qu’il avait fermé les paupières pour profiter pleinement de ce baiser, elle glissa une main sous son propre kimono et en sortit son H33.

« - Des Witches comme toi j’en tue tous les jours avant cinq heure du matin ! »

Elle lui tira une balle dans le ventre, il poussa un cri étouffé. Le genou de Sena s’écrasa contre son entre-jambe et une seconde balle vint se loger dans sa côté droite. Le pauvre Witche poussa un cri déchirant et se laissa tomber au sol … Cet assassin pervers ne méritait même pas de continuer à vivre ! Sena rassembla tout son courage pour ne pas le tuer sur le coup … Elle le noya sous les coups alors qu’Axel poussa des gémissements de douleur, crachait du sang par la bouche et pleurait en silence. Lorsqu’elle en eut enfin assez de l’entendre la supplier, elle lui donna un énorme coup du plateau sur lequel étaient posées les huiles. Il ferma enfin les paupières.

« - Adel, mission réussie ! »

Adel suivit le chemin emprunté par son contact local jusqu’à ce qu’il aboutisse au bureau des employés attenant à la salle d’attente. Il déposa cérémonieusement le paquet contenant son kimono et le bouquet dans un coin tranquille, puis traversa de l’autre côté. Il adressa un sourire de circonstance à la secrétaire, qui le lui rendit par-dessus sa pile de dossier. Il prit ensuite place à l’une des trois tables basses que comptait l’endroit, et farfouilla d’une main distraite dans les revues locales qui y étaient étalées. Il arrêta son choix sur une revue de décoration urbaine, dont le thème principal tournait autour des jardins d’eau.

Il n’eut pas longtemps à attendre avant que la cible ne fasse son entrée. De son pas assuré, quasiment agressif, il pénétra dans la salle d’attente et parcourut les environs d’un regard suspicieux. Lorsqu’il croisa les iris d’Adel, son expression se ferma en un masque indéchiffrable. Adel le lui rendit bien, et sans un mot, lui adressa un hochement de tête mystérieux en guise de bienvenue. Axel, portant toujours la même tenue que lors de leur rencontre précédente dans le parc, lui rendit, puis se dirigea plus calmement vers la réceptionniste, à laquelle il tendit sa carte de rendez-vous. Elle lui indiqua dans quel salon se rendre, avant d’actionner la clochette.

Les dés étaient donc jetés… Finalement, il avait tout laissé entre les mains capables de Sena, la Hunter. Il n’avait plus de contrôle sur quoi que ce soit désormais. Et si jamais les choses tournaient mal, il se reprocherait à jamais sa responsabilité. Une vision de Sena que l’on enveloppait dans une bière de plastique noir se forma dans son imagination, et il eu un haut le cœur. Il ne devait pas se laisser aller ainsi. Elle était parfaitement consciente des risques inhérents à son métier, et elle les assumait totalement. Et puis, l’Organisation lui avait laissé le choix de s’engager ou non. Non, il ne devait pas tenter de la surprotéger. Si tout deux faisait leur part du travail, tout se passerait bien. Il avait confiance en elle.

Reposant sa revue, il alla faire un tour du côté de la porte d’entrée et scruta l’extérieur pendant un petit moment, à la recherche de signes d’éventuels complices d’Axel. Constatant que rien ne sortait de l’ordinaire, il revint s’assoir, légèrement troublé par la relative naïveté d’Axel. Comment diable avait-il fait pour survivre aussi longtemps sans qu’un groupe de Hunter ne parvienne à le piéger ? Il avait pourtant des airs du parfait petit pigeon. Quelque chose ne tournait pas rond…

Kenji, son contact japonais de l’endroit, apparut de la pièces des employés chargé d’un plateau comportant une théière et deux tasses, qu’il vint déposer sur la table où se trouvait Adel avant de lui-même prendre place.

« Vous paraitrez plus naturel dans cet établissement si vous prenez le thé en ma compagnie, Mr Owens. »

Délicate attention de sa part, tout à fait fondée de surcroît. Ainsi, il éveillerait moins les soupçons d’observateurs extérieurs. Bien entendu, Kenji ne le connaissait pas sous son véritable nom. Question de sécurité, il voyageait toujours à Tokyo sous le pseudonyme de John Owens.

Inclinant la tête en l’honneur de son hôte, Adel prit une longue gorgée de thé. La boisson chaude l’aiderait à se détendre, et à ne pas trop se faire d’inquiétude sur ce qui se déroulait en ce moment dans le salon de massage où se trouvait sa collègue…

« Parlez-moi donc de votre amie, Mr. Owens. C’est la première fois que je la vois. S’agit-il de votre collègue »

« Exact, elle travaille avec moi. Une jeune femme tout à fait charm… »

Un étourdissement soudain le gagna et l’empêcha de terminer sa phrase. Une crise de vertige l’assaillit immédiatement après, et il dut poser une main contre la table pour ne pas s’écrouler au sol.

« Qu’est-ce que… »

Kenji le regardait avec une expression où se lisait une culpabilité sans borne. Pendant une seconde, il crut qu’il allait éclater en sanglots.

« Je suis désolé, Mr Owens, je n’ai pas eu le choix… Ils sont venus me trouver il ya une heure, et ont menacés de faire du mal à mes enfants. Je suis sincèrement désolé. »

Le salaud l’avait empoisonné…Il ne parvenait toutefois pas à l’en blâmer, cependant, même s’il réalisait à quel point son existence était précaire dans le moment. Il n’avait aucun droit d’espérer de Kenji une loyauté qui allait au-delà du bien-être de sa propre famille… D’ailleurs, alors que son monde se dotait d’étranges couleur et que son champ de vision se rétrécissait, il eut un pincement au cœur de regret d’avoir mêlé le brave homme à cette histoire…Axel n’était pas aussi dupe qu’il en avait l’air, au final…

Dans un murmure, Kenji poursuivit.

« Mais je ne leur ai pas dit dans quel camp vous étiez, Mr Owens. Je ne leur ai pas dit! »

Ce petit acte de courage allait peut-être parvenir à lui sauver la vie…ou du moins, retarder son exécution. Ils voudraient certainement l’interroger avant de l’envoyer six pieds sous terre. Et là où il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Alors qu’il glissait au sol et que le clignement de ses paupières se faisait de plus en plus lent, il eut conscience que la porte s’ouvrait à la volée, et que trois personnes pénétraient en trombe dans le salon de massage. L’une d’elle, une grande femme aux yeux d’un bleu glacier et aux longs cheveux blonds, s’agenouilla devant lui et l’embrassa, une expression de satisfaction quasi orgasmique sur son visage, avant de s’adresser en lui en suédois.

« Tu es nous à maintenant, Monsieur-Je-sais-Tout! He He! »

Elle repartit sur les traces de ses associés, vers le corridor donnant accès aux différentes tables de massage.

Juste avant de sombrer de l’inconscience, alors qu’il se maudissait de sa propre absence de méfiance, qu’il maudissait cette satanée Tokyo et tout le bordel qu’elle abritait, il entendit son portable sonner.

« Se…na… »

BlackOut

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Pourquoi avait-elle eu le répondeur ? Adel n’avait pas parlé de ça dans ses indications ! La demoiselle commençait à se poser de sérieuses questions lorsque la porte de la pièce s’ouvrit à la volée. Un homme qui n’était pas Japonais entra et constata avec effroi ce que Sena avait fais d’Axel. Ses yeux se tournèrent vers la Hunter et il y eut un mélange d’admiration et de haine dans ses iris. Elle ne lisait pas dans les pensées mais à cet instant, il devait certainement se demander comment avait-elle fais pour neutraliser quelqu’un d’aussi puissant que ce Witch ! Et elle ne l’avait pas simplement neutralisé, elle l’avait mis hors d’état de nuire pour quelques heures … Ces constatations ramèrent probablement l’inconnu à la réalité car il ferma les paupières et plissa les yeux, il semblait se concentrer. Sena ne comprit pas tout de suite ce qu’il tentait de faire, elle eut à peine le temps de resserrer les doigts sur son H33 qu’un horrible mal de tête s’empara d’elle. La blondinette avait l’impression que tous ses vaisseaux sanguins explosaient à l’intérieur de son pauvre cerveau, la douleur était fulgurante et elle se laissa tomber à genoux alors que son bourreau avançait dans sa direction, les yeux toujours plissé.

« - Que lui as-tu fais ?! »

Il se pencha vers elle, c’était incroyable la facilité avec laquelle il la repérait alors que ses yeux étaient clos. Était-ce la respiration saccadée de la demoiselle qui la trahissait ? Ses gémissements étouffés de douleur ? Son parfum ? Elle n’en savait absolument rien mais l’homme était là et il n’était pas content. Sa main se glissa sur le cou de Sena et il la souleva pour la plaquer contre le mur, son mal de tête était toujours présent mais moins intense. Le Witch avait ouvert les yeux. La jeune femme tenta de se débattre ou de se libérer mais contrairement à ce que son physique assez fragile laissait croire, l’individu était puissant ! Il la maintenait contre le mur sans qu’elle ne puisse se défaire de sa prise. Il plongea son regard dans celui de Sena et tenta de déceler une vérité dans ses yeux, il n’obtint qu’un mépris encore plus grand.

« - Oublie … C’est pas grave ! On demandera à ton complice, il parlera peut-être lui ? »

Adel ? Ils avaient eu Adel ? Un mélange d’horreur et de culpabilité rongea la demoiselle. C’était de sa faute ! Si elle ne l’avait pas croisé aujourd’hui, il n’aurait pas mis les pieds dans cette histoire complètement absurde et les problèmes n’auraient été que pour elle. Sena sentit la rage monter en elle, cela lui procura la force de repousser son agresseur et de plonger sur son H33. Une balle siffla dans l’air et vint se planter dans l’oreille de l’homme qui hurla fortement. Parfois … On se fait une promesse et ensuite, on se voit dans l’obligation de la bafouer ! La Hunter avait dis qu’elle n’utiliserait que la force de ses massages aujourd’hui mais … Comment se débarrasser de lui avec un massage ? Tant pis pour lui ! La blondinette n’était pas experte au corps à corps, elle préférait utiliser ses armes. Elle lui administra un violent coup de poing dans le nez, ce qu’elle avait horreur de faire ça ! Ce n’était pas dans sa nature d’être mais il le fallait ! Sena attrapa le plateau qui avait servi à assommer Axel et l’utilisa une seconde fois pour son nouvel agresseur à l’identité inconnue.

« - J’ai pas le temps d’expliquer … Problèmes à Tokyo, je vous donne l’adresse et vous venez tout de suite avec des renforts ! »

Elle coupa la communication et envoya l’adresse par message tout en courant vers la sortie, par où était passé Adel ? Le Japonais qui les avait guidés devait sans doute savoir ! Elle se dirigea vers lui avec un sourire aux lèvres. L’individu eut l’air horrifié et c’est à cet instant que la jeune femme réalisa que du sang coulait de son nez. Ce Witch ne l’avait pas ratée ! La Hunter poussa un soupire de lassitude, les secondes passaient et Adel s’éloignait. Elle demanda sur le ton le plus poli qu’elle parvint à feindre :

« - Par où sont-ils allés ? »

C’était sans doute complètement idiot de les suivre seule et avec uniquement deux armes sur elle … Mais la vie d’Adel était peut-être en jeu et c’était de sa faute à elle ! Le Japonais fit comme s’il ne comprenait pas, il la questionna du regard et haussa les épaules dans un geste impuissant. Alors lui aussi était dans le coup ? Sena revint sur la décision qu’elle avait prise un peu plus tôt : Pas de vacances prolongées à Tokyo ! Ne se souciant pas de la force physique supérieure à la sienne de l’homme, elle le poussa contre le mur et lui mit son H33 sous le menton. Le regard meurtrier qu’elle lui lança valait déjà toutes les paroles qu’elle puisse souffler mais l’employé persistait à se taire. Ils avaient du lourd contre lui ! Quelque chose qui le poussait à agir d’une façon si suicidaire, Sena s’en voulut presque de devoir agir de la sorte avec lui mais c’était lui qui ne voulait pas coopérer … Elle décida d’éviter la violence et préféra tirer au sol, à trois centimètres du pied de l’homme.

« - La vie de mon chef est en péril ! Je dois le sauver, je suis responsable de son enlèvement … Vous devez m’aider ! Vous le devez ! »

Sena aurait pu ne pas lui dire ça … Elle aurait pu le menacer plus férocement, le battre et lui dire qu’elle s’attaquerait personnellement à sa famille et tous ses amis s’il ne l’aidait pas mais elle misa toutes ses chances sur le côté humain du Japonais. Des larmes coulaient sur ses joues, le voir dans un tel état rendait la demoiselle malade. Tout était de sa faute ! Tous ces gens qui se retrouvaient mêlé à cette histoire, c’était à cause d’elle ! Il montra du doigt une direction et sans se poser de question, elle le lâcha et s’empressa de partir en courant. La Hunter n’avait aucun moyens de retrouver Adel de la sorte … Ils avaient pris une bonne avance sur elle de plus, ils devaient être dans un véhicule ce qui rendait les choses encore plus compliquées ! Sena attrapa son téléphone et appela l’Organisation, exigeant de parler au service informatique.

« - Pouvez-vous me localiser une personne ? Il s’agit d’Adel ! Il a bien évidemment activé la fonction GPS ! J’attends votre appel ... »

Que pouvait-elle faire de plus ? La culpabilité et le désarroi qui la rongeait lui donnait envie de pleurer ! Adel avait été enlevé et se baladait dans Tokyo elle ne savait où avec plusieurs Witches dangereuses qui pouvaient le torturer ou le tuer à tout moment ! Le localiser durerait longtemps ? Sena ne connaissait rien à toutes ces techniques … Elle ne pouvait que patienter et prier intérieurement pour que rien n’arrive à son supérieur. Serait-il fâché contre elle par la suite ? Il y avait de fortes chances ! Le sourire d’Adel dans ce magasin une heure plus tôt lui revint en mémoire, elle eut un pincement au cœur et retint les larmes qui se créaient aux coins de ses yeux. La Sena sensible et fragile ne devait pas refaire surface maintenant ! Elle avait besoin de la Hunter sans foi ni loi !

« - Rue du Grand Nord ! Ils se sont arrêtés, vous avez une chance ! »

L’adresse venait à peine d’atteindre ses oreilles qu’elle commençait déjà à courir le plus vite possible … Adel ne devait surtout rien avoir ou Sena ne pourrait définitivement plus jamais fermer l’œil la nuit !

[Sena ayant logé un appel à l’équipe, vous êtes donc libres de vous pointer en renfort si vous le souhaitez Wink

]

Lentement et progressivement, un sourd élancement orbital vint se mêler aux images sans queue ni tête qui l’assaillaient. Sena, voilée, en robe de mariée noire, tenait par la main une October en pleine fureur orgasmique, qui elle tenait la tête tranchée et encore dégoulinante d’Adel. Puis, le Big Ben en flammes, avec en son sein Robin recroquevillée en position fœtale, serrant contre son cœur un cadre d’elle-même. Au pied de la tour, Opale entrelaçait une flamme dans une étreinte passionnée, tandis qu’Ange, couchée contre le bitume, fixait la lune et chantonnait l’hymne à la joie en s’accompagnant au violon, se servant de son flingue comme archet.

L’élancement finit par faire taire les visions, la douleur et le noir occupant toute l’espace de sa consciente. Puis, un bruit de talons hauts se rajouta, ainsi qu’une odeur d’humidité. Il n’était pas encore mort…ce qui impliquait qu’il pouvait ouvrir les yeux. Luttant avec toute la force de sa volonté contre ses paupières de plomb, il parvint à entrouvrir un œil. Il était assis sur le sol bétonné d’une vaste pièce faiblement éclairée, le dos appuyé contre un bureau de bois qui lui arrivait quelques centimètres au-dessus de la tête. Des préservatifs, des seringues et de vieilles couvertures souillées jonchaient le sol, entre des caisses de bois et de carton mal fermée. Ils l’avaient visiblement donc emmené dans une boutique ou un entrepôt désaffecté, probablement un ancien squat duquel ils avaient chassé les anciens locataires.

« Hey, Sanna, y’a la belle au bois dormant qui se réveille! »

D’après sa vision trouble, Adel jugea qu’il y avait deux personnes avec lui : Sanna, celle à qui appartenaient les talons hauts qui se rapprochaient à grande vitesse, et le type chargé de le surveiller. Un grand barbu costaud qu’il n’avait encore jamais vu. Ce qui portait le nombre de la troupe suédoise à 5 bâtards. Un violent coup d’escarpin vint lui chatouiller sans délicatesse les côtes.

« Alors, mon gaillard, t’as fait de beaux rêves? Je te le souhaite, parce que le retour à la réalité va être brutal!»

Sanna était donc celle qui l’avait embrassé dans le salon de massage. Il lui préférait sans conteste cet état d’esprit qu’à l’air furibond qu’affichait son visage en ce moment. Elle le gifla violement, puis lui saisit le visage à deux mains et le maintint à quelques centimètres du sien, avant de lui susurrer :

« Qui es-tu ? Qui est ton amie ? Et qu’est-ce qu’elle a fait à Axel ?»

Sena! L’avaient-ils capturée ? Ou pire encore… N’ayant aucune façon de le savoir, il devait soigneusement choisir ses réponses, pour ne pas lui faire courir un danger encore plus grand. Il se contenta donc de la fixer sans tressaillir, jusqu’à ce qu’elle le gifle à nouveau.

« Parle!»

« Je ne suis que le messager; elle n’est que la juge. S’il est arrivé quoi que ce soit à Mr. Jonsson, c’est qu’il s’est montré indigne de l’assistance que nous lui avions proposé. Et dans ce cas, rien n’y personne ne pourra le sauver…»

Elle lui balança brusquement la pointe de son pied en plein visage, et sa tête vint brutalement percuter le bureau derrière lui. L’espace d’une seconde, le monde vacilla entre le réel et le rêve.

« Bande de salauds! Je me fous de ce que tu racontes. Ton amie n’est pas mieux que morte! Je vais me charger personnellement de lui arracher chaque centimètre carré de peau!!»

Elle déchargea sa rage en le rouant de coups, qu’Adel encaissa avec tout le stoïcisme dont il était capable. Elle savait cogner, la grande blonde! Lorsqu’un coup particulièrement vicieux le fit tomber au sol, elle cessa finalement de le violenter et quitta la pièce.

Le chef des hunters demeura un moment au sol, reprenant son souffle et s’assurant qu’il n’avait aucune blessure sérieuse. Il avait les mains liées par de véritables menottes, mais les amateurs avaient oubliés de lui fixer les chevilles. Il jeta un bref coup d’œil à la montre de l’homme chargé de le surveiller, mais choisit de ne pas se fier à l’information qu’elle lui procura. Peut-être n’avait-il pas ajusté selon le décalage horaire…

Il ne savait donc pas depuis combien temps il avait quitté le salon de massage, ni où il se trouvait, et encore moins ce qu’il advenait de Sena. S’il en jugeait par la réaction de Sanna, elle devait encore être au large, et apparemment, avait réglé son compte à Axel. Ou du moins, elle l’avait sous sa garde. Tant que le groupe de witches suédoises ne pouvait en être certains, ils n’oseraient probablement lui faire de mal. Un bon point pour lui…mais pouvait-il se permettre de rester patiemment ficelé en attendant un échange d’otages ? Absolument pas…

« Chacun doit être libre de son destin. Peut-être ta loyauté, elle ne s’étend pas à la damnation de ton sort. Même s’ils refusent de m’écouter par quelque vanité orgueilleuse, toi aussi, tu es des nôtres, et toi aussi, tu cours un grave danger…»

« Tais-toi.»

C’était déjà mieux que le « ta gueule » véhément auquel il s’attendait. Il allait peut-être pouvoir faire quelque chose de celui-là…

« Tokyo est un gigantesque piège, je ne t’apprends rien. Mais il ne fait que commencer à se refermer…Si nous ne nous unissons pas, nous sommes tous perdus…Aurais-tu l’amabilité de m’aider à me relever? J’ai de la difficulté à respirer, avec la côte qu’elle vient de me briser…»

L’autre poussa un soupir et regarda Adel un moment, avant de se décider et de se lever, gagné par l’esprit de groupe qu’évoquait le captif en piteux état. Lorsqu’il l’eut remit en position assise, Adel lui envoya un sourire de remerciement, suivi d’un vicieux coup de tibia dans l’entrejambe. La witche se plia de douleur en poussant un juron bien senti, mais sans lui laisser le temps de rameuter tout le monde, il se releva d’un bond, fit demi-tour afin d’être dos à lui et lui enserra le cou avec ses menottes. Puis, il le faucha d’un revers du pied, et les deux hommes tombèrent au sol. Après quelques secondes de lutte frénétique, les muscles du suédois commencèrent à flancher en l’absence d’oxygène, et il dût abandonner le combat…

Adel traîna le corps vers le coin opposé à celui où était sortie Sanna. Il aurait aisément pu s’enfuir, à partir de là, mais ce n’était pas son genre. Non seulement il restait des witches qui respiraient dans l’endroit, mais en plus, son équipe allait probablement débarquée sur les lieux pour venir le secourir. Le moins qu’il pouvait faire consistait à être là pour les accueillir.

S’étirant les muscles et les tendons, il parvint à faire repasser ses bras menottés à l’avant de son corps. Le suédois asphyxié ne possédait ni les clés, ni quoi que ce soit qui pouvait servir d’arme.

Poussant un soupir résigné, tous sens en alerte, il entreprit de s’enfoncer dans les corridors qu’avait emprunté Sanna.