Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal

 

 & « I won't let you go. » | Hanialice

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
Alice Wingates
PEARL • whisper of a thrill .
Alice Wingates


Nombre de messages : 554
Credits : Irish Weasley & LJ

B l a c k O u t
P o u v o i r s: Metamorphe
R e l a t i o n s:

& « I won't let you go. » | Hanialice Empty
MessageSujet: & « I won't let you go. » | Hanialice   & « I won't let you go. » | Hanialice EmptyLun 11 Jan - 3:09



    La pointe de ses pieds soutenait avec fébrilité son poids sur le bord du toit du bâtiment et elle vacillait de temps à autre, sans s'en soucier pour autant. L'air glacial de la nuit ne lui importait également plus, une fois ici, entre ce qui semblait la vie et la mort. Il faisait voleter ses cheveux avec espièglerie, agitant l'étoffe de son uniforme avec allégresse. Un seul faux pas, et elle chuterait d'une vingtaine de mètres.

    « NON!»

    La surprise la fit sursauter, et son pied droit perdit l'équilibre. La gravité l'empoigna, l'attirant avec empressement rencontrer le goudron de la route. Il courut jusqu'au bord, l'estomac serré, mais il n'y avait aucun corps. Seules quelques plumes blanches virevoltèrent jusqu'au sol, comme des flocons de neige, qu'il observa avec curiosité juste avant qu'un sourire fende son visage crispé par la peur. Il se retourna au son d'un battement d'ailes, et un oiseau aux plumage blanc majestueux se posa sur ce même bord d'où Alice avait disparu.

    « Ne me refais plus jamais une peur pareille... »

    L'oiseau secoua ses ailes, et la seconde d'après la jeune femme se tenait devant lui, un large sourire étirant ses lèvres. Son air mi amusé, mi effrayé la fit éclater de rire, et elle se releva pour l'embrasser sur la joue.

    « Haniel... »


    J'assistais à la scène, qui ressemblait sensiblement à un de mes souvenirs du temps de Stonewall. Avant nos pouvoirs, avant les combats, avant la liberté, avant la compétition, avant les trahisons, avant même qu'il ne se rende compte de ce qui le liait à Lilith... Quand c'était moi qu'il aimait. Ce jour là, j'avais fait semblant de perdre l'équilibre pour qu'il crie enfin, qu'il me montre à quel point il tenait à moi, même si je le savais. J'étais bien sûr retombée du bon côté, m'égratignant coudes et genoux au passage et cela nous avait coûté quelques heures en détention, mais j'avais vu ce que j'avais voulu voir.

    *
    **

    « Maman...J'ai vu quelque chose d'horrible... »

    La petite voix flûtée de Pearl m'extirpa de mon sommeil, et j'ouvris brusquement les yeux, encore perturbée par mon rêve. La nuit était encore noire, mais elle se tenait devant moi, parfaitement réveillée, son visage empreint de tristesse et d'effroi. Je tendis les bras vers elle, qui escalada le lit pour les rejoindre, et la serrai contre moi.

    « Qu'est ce qui s'est passé ? »
    « C'est ...oncle Haniel... il est blessé, il saigne! »

    Je m'écartai pour voir son visage, surprise. Des larmes coulaient de ses yeux émeraude, ceux de son père, et je m'empressai de les essuyer. Pearl adorait les Harlow, persuadée qu'ils étaient véritablement mes frères, mais elle n'avait vu ni Haniel, ni Samaël depuis l'accident avec Lilith, ce qui remontait à présent à plusieurs mois. Elle n'avait jamais rêvé de lui, mais elle semblait sûre d'elle, et terrifiée de surcroît. Ses petites mains tremblaient, et je dus couvrir ses cheveux de baisers pour qu'elle parvienne à respirer normalement et cesser de sangloter.

    « Ce n'était qu'un cauchemar ma chérie. Ferme les yeux et rendors-toi, et tout ira bien. »
    « Non maman, oncle Haniel...Il ne va pas bien...Il n'y a personne avec lui à part cette femme. »
    « Qui ? »
    « Je crois que tu la connais mais je ne m'en rappelle plus... désolée... »
    « Elle dormait? »
    « Oui. »
    « N'y penses plus ma puce, ce n'était pas réel. »

    Face à mon ton catégorique, elle hocha une fois la tête. Je fermai les yeux, et serrai Pearl un peu plus fort, avant de la relâcher complètement. Je lui fis signe de se tourner, la recouvrant avec l'épaisse couverture. Il fallait qu'elle se calme, car les battements de son cœur s'affolaient et elle ne retrouverait pas le sommeil. Et ça, c'était mauvais. L'inquiétude m'avait brusquement écrasée, mais je parvins à garder mon calme, comme toujours. Après avoir chanté sa berceuse (du moins la seule que je connaissais) jusqu'à en être moi même somnolente, je me glissai hors du lit et refermai la porte avec précaution.

    « Allo, Seth ? »
    « Alice? »
    « Oui, désolée de te déranger aussi tard dans la nuit. »
    « Pourquoi tu chuchotes? Qu'est -ce qu'il se passe ? »
    « J'ai besoin que tu viennes garder Pearl, j'ai une urgence au boulot. Tu peux faire ça pour moi s'il te plaît? »
    « Pearl ? C'est si urgent que ça ? »
    « Oui. Dépêche toi s'il te plaît, c'est vraiment important. »
    « D'accord alors, j'arrive. »

    Il raccrocha, je m'habillai en hâte, pris mon sac et y fourrai la moitié du contenu de ma pharmacie : jetant médicaments en tout genre, gazes, pansements, antiseptiques, anti-douleurs, ainsi que toute la nourriture qui me tombait sous la main. Je ne savais pas ce qu'il avait, après tout. Je ne savais même pas s'il avait quelque chose, mais j'avais appris à faire confiance aux intuitions de Pearl. Lorsque je fus prête, je m'appliquai à n'exprimer aucune émotion hormis de l'inquiétude, que je ne pouvais réprimer malgré tout. Ce fut un visage presque serein qui accueillit mon ami visiblement encore embrumé de sommeil, et il me prit brièvement dans ses bras avant de se frotter les yeux.

    « Merci Seth. Tu es le meilleur, sans toi j'aurais vraiment été mal. »
    « Pas de quoi. Elle est où ? »
    « Dans mon lit. »
    « Vas-y, file. »
    « Si je ne rentre pas ce soir... »
    « Je lui ferai son petit déjeuner et je la garderai jusqu'à ce que tu reviennes, t'inquiète pas. »
    « Merci... »

    Je sortis presque en courant, m'engouffrant dans l'obscurité d'une rue pour me transformer sans être vue. Inconsciemment, je pris la forme de l'oiseau de mon rêve, mais de couleur noire cette fois, transperçant le ciel d'ébène, avec pourtant moins de grâce que d'habitude, le sac la gênant. La vue aérienne du quartier d'Arakawa me dégoutait, avec toutes ces usines, ces monstres crachotants et sales, qui rejetaient leur poison dans mon air, mes poumons... Je reconnus avec difficulté le toit de la minuscule boutique fantôme, compressée entre deux dépôts mitoyens. L'obscurité m'empêchait de distinguer parfaitement les bâtiments que je survolais pourtant souvent, mais je réussis néanmoins à me poser avec légèreté dans la minuscule cour, à l'arrière de la boutique en question. Le bruissement de mes ailes se mua en froissement de vêtements, tandis que je prenais la forme de la jeune femme qui avait réussi à gagner sa confiance. Je saisis le sac, et courrai jusqu'à la petite porte à l'arrière, que j'ouvris sans difficulté.

    L'odeur lointaine des herbes médicinales et des épices, mêlée à celle de la poussière et de l'oubli, frappa mes narines, comme à chaque fois que je pénétrai l'arrière boutique abandonnée, mais une nouvelle odeur me frappa bien plus fort : celle du sang. Il n'y avait pas d'électricité depuis le temps, seule la lune éclairait très faiblement la pièce de ses rayons, à travers les fenêtres crasseuses, dont les vitres étaient parfois brisées. Il m'était presque impossible d'avancer : je ne connaissais pas assez bien la pièce, dans laquelle je n'avais pénétré qu'une fois, laissant généralement des vivres et des messages dans la cour. Je touchais tout ce que je pouvais, tentant de distinguer les choses, en attendant que mes yeux s'ajustent à cette obscurité la plus totale. Lorsque j'eus enfin retrouvé mes repères, je pus voir que Lilith était là, toujours étendue sur le lit dans le coin de la pièce, mais Haniel n'était pas à son chevet. Je m'approchai, le cœur battant, et me penchai. Je vis avec horreur son corps inanimé gisant sur le parquet. Je plaquai ma main contre ma bouche pour étouffer le cri qu'arrachait cette vue, tandis un violent tremblement me secoua de la tête au pieds. Il avait perdu une quantité conséquente de sang, et respirait faiblement. La plaie n'était pas assez profonde pour être mortelle, mais elle était dans un endroit bien vascularisé : son bras gauche. Il fallait que je l'empêche de saigner encore, ou il sombrerait dans le même état que Lilith.

    « Non... »

    Immédiatement, je fis le vide dans mon esprit, comme dans chaque situation critique. C'était le seul moyen de reprendre mon calme et d'être efficace. Mais la vue de cette plaie béante me serrait l'estomac, je dus invoquer plus que mes techniques habituelles pour ne pas céder à la panique. Lorsque je fus sûre de ne plus trembler, ce qui me prit quelques secondes, je pris la bouteille d'alcool et m'en versai sur les mains pour les désinfecter, puis je me mis à nettoyer la plaie, concentrée. Un grognement rauque s'échappa de sa gorge tandis que je versais l'antiseptique sur la blessure et je levai les yeux, surprise. Il était conscient, ce qui fit redoubler les battements de mon cœur. Je ne pouvais pas surveiller mes pensées dans cet état : s'il tentait de les lire, j'étais découverte.

    « C'est moi. Haniel, avale les anti-douleurs. »

    Je fis glisser les pilules entre ses lèvres, mais je ne pouvais pas lui donner d'eau, alors il les avala avec difficulté.

    « Je suis désolée, je n'avais rien d'autre. Ferme les yeux, et serre les dents. »

    Je tentais de ne pas penser à son visage qui s'était couvert d'une fine pellicule de sueur, qui semblait pâlir, à ses mains qui tremblaient.

    « Pardon, pardon... »

    Je ne cessais de répéter ces mots tandis que je compressais la blessure, ce qui était extrêmement douloureux pour lui. Mon cœur se serra, et je luttais contre les larmes, mais je maintins ma position. Il fallait qu'il arrête de saigner pour que je puisse le recoudre.

    « Ne me dis pas comment tu t'es fait ça. »

    C'était moi qui serrai les dents à présent. Je levai les yeux vers lui, espérant encore qu'il ne me reconnaisse pas malgré tout. Je ne voulais pas qu'il me rejette, qu'il refuse mon aide. Il en était capable, surtout lorsque la colère l'aveuglait, mais j'avais besoin qu'il laisse de côté tous ces sentiments qui l'habitaient, qui le rendaient vivant. Je pensais qu'il avait besoin de haïr, d'être en colère, pour ne pas glisser trop facilement vers le désespoir. Il s'y raccrochait peut-être, plutôt que de s'accrocher à moi, ce que je voulais le forcer à faire maintenant.


Revenir en haut Aller en bas
Haniel Harlow

Haniel Harlow


Masculin Nombre de messages : 217
Credits : Deadly Hysteria
Humeur : L'humeur incertaine et sanguine d'un pauvre hère devennu sa propre ombre.

B l a c k O u t
P o u v o i r s: Télépathie
R e l a t i o n s:

& « I won't let you go. » | Hanialice Empty
MessageSujet: Re: & « I won't let you go. » | Hanialice   & « I won't let you go. » | Hanialice EmptySam 16 Jan - 19:29

    & « I won't let you go. » | Hanialice Sans-t10
    ...
    ...Falait bien que ça arrive…
    ...A dénouer le fil de son absence, je suis tombé sur ta bobine.
    ...Faut dire que c'était tout emmêlé là dedans
    ...et que déjà tu me tricotais d'autres pulls d'émois.
    ...Comment on dit déjà ? Inévitable.
    ...De ces choses qui m’échapperont éternellement
    ...parce qu’y insérer toute logique serait en ôter l’aspect bénéfique,
    ...la magie qui déjà panse mes maux.



|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||


    Je tournais à la ruelle. Une fois sorti de l'armada des grandes rues, il y avait toujours une chose qui semblait nous manquer, qu'on croyait avoir perdu. On regarde ses pieds, on palpe son ventre, et il y a comme un objet lourd, ou une tumeur, qui est resté trop longtemps accroché à notre corps pour tomber sans qu'on ne le remarque. Alors oui ça fait un vide, on se croit léger et presque scintillant, seul dans le silence et l'atmosphère, tandis qu'on pense avoir coupé le cordon de l'agitation pour toujours. Mais ce défaut de poids qui nous laisse émancipé et curieusement enivré n’est autre que le départ d’une ultime part d’humanité vis à vis de laquelle l’âme déjà est nostalgique. Un certain niveau de lucidité immédiate qui s’effondre, de celle qui nous permettait de faire la part des choses, d’apprécier l’existence malgré les affres de la vie. Une miette de raison qui s’engouffre dans le puit de l’abnégation, laissant libre place aux actes de derniers recours.
    J'avais senti comme à chaque fois l'inquiétude me gagner subitement, une écharde au creux de la colonne vertébrale, qui déchargeait sa litanie d’appréhension, et son flot de substance anesthésiante. Heureusement, la sensation disparut vite. J'avançais, comme toujours étonné de l'aspect religieux et sombre de l'endroit : le ciel semblait à des milliards de kilomètres au-dessus de la tête, les pavés glissaient, trempés dans un humide brouillard, et pourtant l'on distinguait clairement les façades sombres où poussaient, éparses, de minuscules fleurs, étouffées par le lichen, parasite grouillant profitant des conduites d’eau qui s’étaient égarées à l’air libre. Les draps et le linge, abandonnés et tristes comme des visages sous lesquels des hommes défoncés au crack s'insurgeaient de la beauté des trottoirs, gueulant un peu de tout ce que nous distinguions mal. Je suis entré là-dedans, il était six heures de l'après-midi, et déjà les allées et contre-allées des quartiers perpendiculaires, qui se croisent, s'enroulent confusément à l'approche du soir, commençaient à allumer l'ennui et la dérive de la lassitude ; ça puait la laideur et la tristesse tandis que je montais les escaliers.

    Bertrand était un witch parmi tant d’autre dans la vastitude de Tokyo, qui comme beaucoup se terrait, désireux d’échapper à la récente menace inquisitrice. Un jeune homme originaire du pays, dont l’ancêtre n’était autre qu’un vieillard utopiste qui au cœur de notre monde gangrené par le modernisme avait refusé que l’état fasse main basse sur le terrain qu’occupait son herboristerie. Laquelle avait tenu bon à la pression des bétonneuses, des cachets conséquents, des exaltations diverses. La mansarde désormais oubliée par tous, affichait son visage morcelé par le temps entre deux bâtisses tout aussi délabrées bien que plus récentes. Il semblait que l’héritage d’un savoir considérable, accumulé au cours d’une multitude de générations, l’aidait à tenir bon. Le savoir tiré à force d’étude de mère nature assurait des fondations inébranlables aux quatres murs qui résumaient ce noyau de résistance face à la décadence et l’ignorance de notre siècle. Temple secret, terrier sans faille que j’avais investit sans accord préalable. Ainsi Bertrand nous avait il découvert, moi et Lilith, désespérément inconsciente.
    La trentaine, reclus dans son propre appartement, avide de s’oublier. Ce n’était pas un prophète, encore moins un justicier. Un homme simplement, qui aspirait à une tranquillité qu’il estimait légitime. Son appartement était trop propre pour satisfaire les cafards mais juste assez sale pour autoriser un sanctuaire de mouches sur l’abat jour. Il regardait la télé par sa fenêtre comme il aimait le dire, et bien qu’il n’y’ait qu’une unique chaîne ce n’était jamais le même programme. Il ne m’avait jamais fait part de ce qu’était son don, justifiant que lui même l’avait oublié…Volontairement. Ce n’était qu’un homme, simplement un homme. Il n’avait plus peur des gens, et les gens n’avaient plus peur de lui, il faisait simplement partie du décor…Comme ce lampadaire où votre chien urine. Du reste il demeurait la destination de la plus part de mes courtes sorties. Lorsque les besoins vitaux devenaient irrépressibles. La pensée de Lilith, ancre fichée en mes entrailles, me poussait à écourter mes visites desquelles je ressortais avec quelques sachets de victuailles, et l’esprit peut être un peu plus paisible qu’à l’arrivée. Tout était relatif. De même que mes convictions. Ce havre neutre que je me rassurais à penser extérieur à tout intérêt souffrait finalement tout autant de l’impact des conflits environnants…

    Les exhalaisons fétides de sa cavité buccale envahissaient l’atmosphère déjà si désagréablement moite. De violents spasmes, somatisation des mouvements de son âme, révulsèrent tout à coup ses vitreux globes oculaires. Il avait vomit une partie de sa cervelle par ses trop épaisses narines et avait régurgité un peu de bile par les commissures et profondes gerçures de ses lèvres. Les ongles encrassés de ses mains rugueuses reposaient à ses tempes, position que je devinais compulsive. La pression de son sang y était visible, presque audible, au travers du derme tendu et violacé de ses artères. Bouche ouverte à s’en décrocher la mâchoire, sans en laisser échapper de son. Ainsi je découvrais ses moignons dentaires, incroyable camaïeu d’ocre brun, parsemés sur un lit gingival en putréfaction. Je sentais les vapeurs venant de dehors qui insufflaient leur désespoir même entre les murs. Ma salive prit un goût terriblement âcre, et je restais planté là, sur le seuil de la porte des enfers, à sentir la larve du mal éclore en moi comme une résignation. Mon regard terne se posa sur l’expression douloureuse du cadavre, exacerbée par des traits erratiques, comme disposés au hasard et pourtant si nobles dans la douleur.
    « Mais la mort n’est rien pour nous, puisque tout bien et tout mal sont contenus dans la sensation, or la mort est privation de sensations. La sûre connaissance que la mort n’est rien pour nous fait que le caractère mortel de la vie est source de jouissances non pas en ajoutant à la vie un temps illimité, mais au contraire en la débarrassant du regret de ne pas être immortel. Il n’y a après tout rien de terrifiant dans le fait de vivre pour qui a réellement saisi qu’il n’y’a rien de terrifiant dans le fait de ne pas vivre… »
    Ainsi Bertrand avait il atteint l’état le plus souhaitable en cette période de vices. Je ne prit pas la peine de violer ce sanctuaire de ma présence. Immédiatement je regagnai l’impudeur des rues.

    J'ai marché très lentement, restant le plus possible dans le quartier de ce sage, appréciant le tourment et l'amertume de tous les hommes, de tous les lampadaires sur lesquels pissaient tous les chiens du dehors, qui se déplaçaient en glissant dans la pénombre et se collaient, furtifs, tentaculaires, emmitouflés dans la puanteur du chagrin. Comme drogué moi aussi, j'ai participé au recueillement de ces avariés, organes sujets à l'exérèse du monde, en me récitant les paroles de feu Bertrand qui déjà devait avoir trouvé retraite acceptable auprès de ses pères sages. Le ciel était d’un noir qui me faisait penser aux pupilles de l’énième mort que je venais de voir. La pluie tombait, elle frappait contre mes tempes, s’éclatait au sol comme des milliers de bombes. Je ne baissais pas la tête, au contraire, je regardais droit devant moi. J’essayais d’attraper du bout du regard l’extrémité de chaque rue, je ne les reconnaissais pas. Je me ramassais sur la gueule toute la puissance, toute la rage d’un dieu mort il y’a bien longtemps. Oui, c’était des baffes divines que je me prenais en pleine face ! Et j’adorais ça. Cette douleur…Je sentais quelque chose d’énorme monter en moi, comme une poussée d’adrénaline, une colère trop longtemps refoulée devant ces trop nombreuses situations qui s’imposant avec forces inhibaient mon libre arbitre. Droit comme une fusée crevant les étoiles, j’ai hurlé.

    Explosion. Dans mon état de profonde agitation, mes cellules même ne surent faire la part des choses. Extrapolation de mon esprit où nouveau facteur extérieur ? Quelques foulées. Et le trottoir qui se rapproche dangereusement, inéluctablement. Chute. Alors seulement j’eut pleinement conscience de mon genoux en sang. J’étais naïf, bien trop naïf. Et mes sens s’assoupissaient avec ma décrépitude. J’avais rien vu venir. Pourtant le corps de Bertrand aurait dû m’apparaître bien trop « frais ». La logorrhée de mon âme s’était imposée, annihilant toute fonction de survie. Il était 6h passée et il se mit à neiger. A la première bourrasque j’ai coulé. A la seconde je me suis noyé dans ma soudaine lucidité. Ensuite je me rappelle avoir heurté le sol. D’abord les genoux…Bruit sourd d’un corps sur le banc de neige, stupéfaction. Me voilà parti pour de bon. Demain je ne me réveillerai pas, demain je cracherai sur la lune et pisserai dans les mains du bon dieu. Les fourmis brûleront mon corps au bûcher sur la douce musique d’un éclat de rire. Il était 6h passée, il neigeait. J’les ais vu ces flocons tomber du ciel… Des putains de rêves, des flots d'icebergs qui m'envahirent tout le corps, jusqu'à la moelle et qui piquent, qui piquent tout l'épiderme. J'avais froid, bordel!

    Dans cet amalgame de perceptions, il y’eut une présence. Tout de même et malgré. Ça vint. Ça vint du fond mais ça vint. A force de. Il y’eut l’ombre d’une vie à distance. Une déclinaison de soi, en deux, dans le givre où la mort hésitait un peu, sa signifiance brute comme reléguée pour un temps encore dans nos écoulement sanguins. La chair. Creuse mais la chair tout de même. On existait toujours, hein Lilith ? Tout était oublié, perverti, mais nous, encore… La troisième bourrasque m'a ressuscité, les lèvres tremblantes et les yeux grands ouverts. Un fou naissait. Je me suis relevé, la jambe boiteuse. Je saigne, cours, mais en aucun cas implorais mes assaillants invisibles. Aucun havre n’était tranquille à présent, même ceux au delà des mers et des montagnes, au delà des plaines et des lassitudes, au delà des terres toutes d’or et de blessures. Sous le crachoir des nuages je tachais de regagner l’herboristerie et le corps de Lilith. Maigre consolation, si on me poursuivais moi, on ignorait où était son corps.

    Qu’on ne me demande pas comment, mais lorsque je quittais enfin les basses ruelles de la ville, mon esprit bien qu’en quête de toute pensée ciblée sur ma personne errait sans point d’accroche. J’espérais les avoir semé, et ainsi bénéficier du temps nécessaire à éloigner Lilith de leurs radars…Ils leurs…Sujet indéterminé. A ma situation déjà critique s’ajoutait une confusion extrême et une issue incertaine. J’étais double. Scindé en deux, morcelé. Une partie de mon esprit restait ancré dans la réalité, du moins dans la réalité immédiate qui consistait à continuer à diriger mon corps, lui ordonnant de bouger, ignorant la morphine naturelle. L’autre moitié hurlait sa souffrance atone dans un cri silencieux, somnambulisait, s’écorchait les ongles sur les murs de sa prison. Ma tête, cellule capitonnée et exiguë où mon esprit se jetait sans fin contre ses parois.

    |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||


    L’apathie alourdit mes membres épargnés. Je suis assurément persuadé de la vacuité de l’existence ; disons que les choses m’apparaissent plus que jamais vides, non plus vides de sens ou d’intérêt, ou je ne sais quoi d’autre, mais inconsistantes, irrévocablement, sans poids sur rien, sans un échos si ce n’est celui qu’elles font entre elles, ces cloches, ces cordons inhérents qui rattachent tout à tout le monde et tout le monde à tout. Fatalité dont j’absous la conquête salutaire qui m’accompagne dans ma chute finale. Les fragrances des herbes médicinales séchées envahissent mes narines cristallisées par le froid immobile, qui lui même retient son souffle. J'avais une énième fois la sensation d'être arrivé au bout du monde, vous savez, quand on s'attache à la pensée puérile de la destinée, et qu'on croit que toutes les litanies vécues de l'enfance à l'âge mûr, et même celles qu'on imagine, qu'on s'invente, qu'on désire, ne se sont succédées et n'ont été oubliées que pour mieux aboutir à ce moment, à cet endroit, ce bout du monde au cœur de Tokyo, masqué par une vitrine trop encrassée pour du lèche vitrine et où plus que jamais je perçois le silence du corps de Lilith. Je pense à tous les ciels jetés dan l’huile épaisse, à chaque cargaison coincée entre les houles, aux soleils autarciques perdus dans la cuvette. Les pleurs, plus profonds que le temps plongent dans les méandres insalubres de l’oubli jusqu’à la substantifique moelle de l’extase. Il était temps de mourir…

|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||


    Bien sûr mon âme avait pris soin de se situer aux environs de nulle part, là où les regards et les perceptions ne portent pas, là où tous les pandas du monde pourraient copuler sans qu'on ne les remarque. Je crus avoir atteint l'instant où elle s'émancipe de toutes les serrures, oublie les questionnements, et s’incline légèrement, mais de façon suffisante, vers l'autre côté, celui de la fabuleuse déraison du sentiment. Mais je me trompais, ce n’étais point là la mort à laquelle j’aspirais. Juste un sas qui subissait de toute part l’influence brute de l’extérieur, une réalité spadassine qui imposait ses exécrables traits, ici sans les artifices de l'atténuation.

    Des étoiles fauves m'apparaissent. Je me complais dans ce ciel de savane, et ma nature viciée d'aujourd'hui fait honte à celle d'hier. Je suis sur la rive opposée à ce que j'ai toujours aspiré, je pars à la dérive. Des constellations dansent dans ma tête. Elles forment tes célestes contours, et mes doigts ricochent quand j'essaie de les atteindre : tu m'es interdite maintenant, car je n'ai su te garder au creux de mon bras. J'avais pourtant ce poing tenace que personne n'égalait, et malgré tous tes efforts pour t'en aller vers d'autres horizons, j'avais ce désir et cette fierté qui ensemble formaient l'ultime force dont on ne peut se défaire. Finalement, tu t'es glissée entre mes phalanges, et je t'ai vu partir à pas feutrés. Ensuite, ce ne fût que tentations inutiles : parée d'un manteau de mistral, volé à je ne sais quelle rafale du haut d'une de ses tours d'espoir où tu avais l'habitude de t'élever, tu devins inattrapable.

    Un enfant vient me voir, sale, dépouillé. Au milieu de ma brousse isolée, là où même les plus perdus ne s’aventurent, il ressemble à un spectre hurlant ses malheurs à la lune, et je crois voir en lui toute la crasse du monde s’étaler, comme la beauté est condamnée un jour à s’échouer face contre terre sur des rivages affolés. Je le regarde, ces yeux sont vides, ces habits voltigent en lambeaux, et ses ongles noirs s’enfoncent dans la terre ocre. Je trouve à l’air une odeur délétère, et les roseaux qui normalement sous l’éther se courbent gracieusement me paraissent fanés, et les grands cotons blancs qui d’habitude sont danseurs d’un ballet gracieux et flamboyant semblent se bousculer en une querelle orageuse et violente.
    Je crois me voir moi et mon monde qui craquèle.
    Esquisses en désordre de cauchemars où coagulent les sévices d’un monde à l’agonie ; la cohorte des songes se retire alors, comme la mer se retirerait du sable fin pour le laisser calleux, amer et jonché d’algues dégoûtantes, et laisse place à la cohorte violente des inquiétudes.

    L'éveil triomphe
    Le rêve s’achève. Par contre, la nuit est encore là.


|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||


    Je ne l’ai pas reconnu immédiatement, aveuglé par le délire de l’infection, mais elle était depuis longtemps dans mes songes des nuits de fièvre, les mélodies nostalgiques, et puis l'accent des harmoniques…
    Il y a eu l'éclat du sang prit dans un bourdonnement, les oreilles en partance vers d'autres trous à rats, le dégradé de sa bouche, sang-noir noir-sang, au dessus de mon torse d’ahuri. Je m’y accrochais comme une ronce puisque les égouts sont remplis de sourires, puisque la douleur m'exécute. Je m’y accrochais comme une ronce puisque les égouts sont remplis de sourires retors. Mon bras que je percevais alors seulement, décharné, mon crâne à l'amont de ma tête, ma tête à l'aval de mon cœur. Ses ongles comme la promesse de vie, comme la promesse d’un avenir que je répugnais, ajourné avant toute considération. Perles de fatigue qui collent mes vêtements à ma peau moite et dingue.
    Des poussières nous regardent, petites scories muettes, spectatrices sans visages.
    Je dévisageais le pourpre de tes yeux, chien de faïence déterminé dans l’urgence, et tu avalas lentement ta salive pour bien me prouver que tu ne hoquetais plus, et que la balle et le sang que tu allais faire cracher dans quelques secondes se répandrait à tes pieds comme un triomphe de la subsistance. Il y eu un déluge respirant l’âpreté feinte : c’était la pluie de ta paume sur ma peine bornée.

    La sensation, soudain, de partir dans toutes les directions, de rentrer dans le monde, les veines agitées d’une implacable décision. Le cerveau cogne, les neurones fourmillent de tellement de connexions nouvelles et évidentes sous la torture salutaire. Grognements sourds, seule réponse à ta présence dont je doutais encore.
    Je tremblais, de froid, du regret de t'impliquer. Noyé entre les eaux de l’inconscience et des perceptions exacerbée par la douleur. J'étais un spectre hurlant enfermé dans une boîte que je m'étais moi-même construite ; j'étais de ceux qui, au lieu de réfléchir à une solution, se nourrissent du problème jusqu'à se persuader qu'il est irrévocable. Je me parais d'une tristesse vouée à s'alimenter elle-même. Je n'étais qu'un vers de terre, fuyant, zigzaguant entre les problèmes pour mieux s'y heurter. Le conscient se fortifiait dans l’inconscient…Et pour le moment je ne m’aventurait pas dans l’obscurité figurative de ton cœur. Mon esprit anthropique n’en avait même plus la capacité. Puis tout se terre dans la marmite sépulcrale et caverneuse. A nouveau je somnole, t’abandonne à la solitude de la tourmente…

    Ne me dis pas comment tu t'es fait ça.

    C’est la chaleur de l’autre qui m’évite de sombrer plus loin que les premières berges du simple sommeil. Ta chaleur. Des routes en papier crépi ondulent dans mes yeux : c’est le ressac des souvenirs qui ronronne comme le boomerang, qui enveloppe les consciences d’un encens de remords. Je n’imagine pas ma tête dantesque qui t'accueille enfin…Tes pupilles comme autant d’acrobates inquisiteurs mais délicats. Et mes pensées encore ambigües. Je ne m'aventurais pas à explorer le marécage de son esprit, sans justification, je m'interdisais à cet acte avilisant et irrespectueux. Le siège de notre âme restait un temple pudique que je ne forcais jamais sans raison.
    Voix faible et pateuse. Propos quelque peu surréaliste dans la situation présente.

    Ton truc là, ça rend la bouche pateuse pendant combien de temps ? Et tu veux que je te dise, si c'est des antidouleurs, je suis pas sûr qu'ils marchent à merveille...

    Mince sourire. Tinté de tellement de non dits...S'il avait été en état de tenir un discours, il lui aurait sans doute avoué qu'elle avait longuement habité ses nuits, que si elle était son infirmière dévouée, il s'activerait à se blesser aussi souvent que possible...et qu'il était surpris de la retrouver en son étiage de bipède. En fait, il valait peut être mieux que sa langue ne soit pas totalement déliée. Du reste, son bras l'élançait à tel point qu'il n'avait jamais eu autant conscience de posséder de la masse musculaire à cet endroit. Et puis, pour le moment, ce tiraillement suplantait celui de son genoux, relégué bien loin dans la brume de la considération.
    Il aurait du fuir...Chasser Alice quitte à lui faire croire qu'elle n'était pas la bienvenue, ne pas la rendre complice. Eviter d'ajouter un nouveau nom à la liste déja longue de ceux qui s'étaient mouillé pour lui et le cas de Lilith et risquaient chaque jours leur peau. Tout ça parce qu'il paraissait évident que ses assaillants n'étaient pas de simples gamins des basses rues de Tokyo. Haniel était persuadé que ce qui lui avait traversé le bras n'était pas une singulière balle. Bullshit, les évènements encore confus peinaient à retrouver l'ordre des choses. Et alors qu'il avait dans l'intention d'exposer la situation à la jeune femme, ses lèvres adoptèrent un autre ton.

    Alice. ça faisait longtemps...

    Sombre idiot...
    L’espoir de gagner quelques instants en la présence de celle qui avait longtemps encensé mes jours valait bien à mes yeux toute les deceptions et mauvaises fortune du monde. Dans l'instant je me souvenais de l'origine du mot passion...patior, oris, souffrir…


Revenir en haut Aller en bas
 
& « I won't let you go. » | Hanialice
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: T O K Y O  :: . s t r e e t s :: . a r a k a w a-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser